AMÉRIQUE (Histoire) Amérique espagnole
Les Indes espagnoles
L'État
À l'avènement de Philippe II (1556), l'âge héroïque des grandes conquêtes outre-mer est à peu près définitivement clos. Les dernières expéditions d'envergure sont l'occupation de la Floride (Tristan de Luna y Arellano, 1559-1561 ; Pedro Menéndez de Avilés, 1565-1567), et surtout celle des Philippines par Miguel López de Legazpi, mais l'une et l'autre entreprises sont conçues et financées par l'État.
Ce ne fut pas un mince succès que d'établir, d'Acapulco à Cavite, des relations maritimes régulières à travers le Pacifique, mais Manille n'est que la porte du commerce d'Extrême-Orient, et non le tremplin vers une conquête militaire de la Chine, dont rêvent encore vers 1580 le vice-roi de Mexico, don Martin Enriquez, et quelques missionnaires jésuites vite désavoués par la Compagnie. Quant aux voyages de Mendaña et de Quirós dans les mers du Sud (1567-1569 et 1595-1596), ils restent des exploits sans conséquences pratiques. Le dernier des conquistadores fut sans doute Juan de Oñate qui mena à bien, de 1598 à 1605, la colonisation du Nouveau-Mexique, pointe extrême de l'avance espagnole en direction du nord. Mais le nouvel établissement n'est qu'un îlot de chrétiens au destin précaire, tenu à bout de bras par l'effort financier de la Nouvelle-Espagne.
Des sept cités de Cibola aux Amazones, de Quivira au royaume d'Eldorado, les mirages se sont décidément dissipés : l'ère du « plus ultra » appartient au passé.
Non que les domaines de l'Espagne au Nouveau Monde soient dès lors enfermés dans des limites stables : les territoires contrôlés par les Espagnols ne cessent de se dilater à partir des premiers noyaux de colonisation. Mais, à la quête d'empires fabuleux, succède désormais l'avance des frontières minières, irrégulière, coupée de longs arrêts et parfois de reculs, et un effort plus systématique des administrateurs royaux pour prendre effectivement possession d'un espace immense, encore très mal dominé. Contre les attaques des Indiens nomades, il faut établir des glacis pour couvrir les villes minières de la frontière, fonder des presidios pour protéger les lignes de communication entre des centres de peuplement dispersés dans un milieu hostile. L'occupation des steppes du Nord mexicain, où l'on s'efforce d'installer des colonies d'Indiens sédentaires originaires du plateau central, celle de la province de Tucumán témoignent de cette politique de pacification. Souci nouveau qui n'épargne pas toujours aux Espagnols de se prendre au guêpier de campagnes décevantes contre un insaisissable ennemi : la guerre des Chichimèques, aux confins septentrionaux de la Nouvelle- Espagne, ne cesse qu'au début du xviie siècle ; les frontières du haut Pérou, menacées par les Indiens Chirihuanos, restent longtemps tierra de guerra. Quant à la conquête du Chili, après le tragique échec de Valdivia, la résistance des Araucans en fait une interminable et coûteuse guerre, où les Espagnols poursuivent en vain un succès décisif.
Tandis qu'une politique de pacification et de poblaciónsuccède aux efforts de conquête, la bureaucratie supplante définitivement les conquistadores dans le gouvernement des Indes. Le règne de Philippe II marque un resserrement du contrôle de la Couronne sur ses royaumes américains. De grandes enquêtes, celle de Juan de Ovando en 1569-1571, la rédaction de deux séries de descriptions géographiques, à partir de questionnaires systématiques, en 1577-1586 et 1604-1609, donnent à l'administration castillane une connaissance plus précise des réalités américaines. En Nouvelle-Espagne, après l'inspection (visita) du licencié Valderrama (1563-1565) et la répression de ce qu'il est convenu d'appeler la conjuration de Martin Cortés (1565-1568),[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean-Pierre BERTHE : maître assistant à l'École pratique des hautes études, directeur du Centre d'études prospectives et d'informations internationales
Classification
Médias
Autres références
-
AMAZONE, fleuve
- Écrit par Pierre CARRIÈRE
- 2 326 mots
- 2 médias
-
AMÉRIQUE LATINE - Les religions afro-américaines
- Écrit par Roger BASTIDE
- 3 175 mots
- 1 média
-
ARAUCANS
- Écrit par Simone DREYFUS-GAMELON
- 1 056 mots
Araucan est un mot forgé au xvie siècle par Ercilla, poète espagnol, à partir d'un nom de lieu indigène. Depuis lors, son usage s'est imposé en ethnologie pour désigner un ensemble de populations qui, parlant la même langue et culturellement apparentées, occupaient, à l'arrivée des conquistadores,...
-
ATLANTIQUE HISTOIRE DE L'OCÉAN
- Écrit par Jacques GODECHOT et Clément THIBAUD
- 13 670 mots
- 12 médias
Leif Eriksson n'aurait pas été le seul à aborder « l'Amérique ». Les sagas(récits) scandinaves racontent que son frère Thorwald aurait également abordé au Vinland en 1003. Il y aurait lutté contre les indigènes et aurait péri au cours d'un combat. En 1006, Thorstein, un autre frère de Leif,... - Afficher les 29 références