AMÉRIQUE (Histoire) Amérique portugaise
Le cycle du sucre
Vers 1570, le sucre succède au bois comme produit dominant de l'économie brésilienne. Cette domination va durer jusqu'au début du xviiie siècle, lorsque l'or prendra le relais du sucre.
L'introduction de la canne
La canne à sucre était déjà connue au Portugal à la fin du Moyen Âge. On la cultivait aussi en Sicile et dans le Levant espagnol. À la fin du xve siècle, on la voit se répandre à Madère, aux Açores, aux îles du Cap-Vert, aux îles São Tomé et Principe, aux Canaries. Madère apparaît très vite comme la plus grande productrice. Mais, après 1570, la production du sucre y décline : le sol s'épuise, la canne est atteinte d'une maladie, l'espace est trop exigu. C'est l'époque où le Brésil prend le relais de Madère : de vastes espaces vierges, assez humides pour dispenser de l'irrigation, offrent, dans les plaines côtières, autour de Pernambouc, de Bahia, plus au nord ou plus au sud même, les conditions nécessaires à un gros accroissement du rendement, donc des profits.
Dès 1533, le premier moulin à sucre avait été construit dans l'île de São Vicente, près de la ville actuelle de Santos, par des marchands flamands, les Schetz. En 1570, il y avait déjà 5 moulins construits dans le Sud (au sud de Porto Seguro), 31 dans le Centre (en particulier autour de Bahia), et 24 au nord du São Francisco (en particulier à Pernambouc). En 1610, le Nord possédait 140 moulins, le Centre 50, le Sud 40. La plaine côtière assez plate, la position géographique du Nord-Est favorisaient Pernambouc.
La production sucrière
La sesmaria accordée à un grand propriétaire forme une vaste exploitation dont le centre est le moulin à sucre (engenhode assucar). Mais le maître de moulin fait cultiver une partie de ses terres par des colons (lavradores), fermiers liés par des baux de neuf à dix-huit ans, avec obligation de laisser, s'ils s'en vont, une partie de la surface affermée plantée en cannes. Le maître et les colons utilisent comme main-d'œuvre des esclaves indiens et noirs, le nombre de ceux-ci tendant à augmenter à travers le xviie siècle. Une fois coupée, la canne est transportée par eux au moulin, soit hydraulique, soit plus souvent trapiche, c'est-à-dire mû par des bœufs. La double meule à axes horizontaux a été remplacée, dans le courant du xviie siècle, par une meule triple à axes verticaux, d'un rendement supérieur. Le jus extrait des cannes est cuit dans des « chaudières » (caldeiras), puis purgé, c'est-à-dire raffiné dans des cônes de terre cuite placés dans un hangar la pointe en bas et troués pour que puissent s'écouler l'eau qu'on y a mise et les impuretés qu'elle entraîne. Selon la pureté, on distingue différentes catégories de sucre blanc et de « moscouade ». Pour être expédié en Europe, le sucre est mis dans des caisses dont le contenu a varié entre 150 et 240 kilos. Il ne semble pas que cette production ait rapporté de gros profits aux maîtres de moulins, d'autant que pesait sur eux une assez lourde fiscalité, en particulier les « dizimes » (dizimos), analogues à nos dîmes, mais revenant au roi et non au clergé. Ce furent plutôt les commerçants qui tirèrent profit de cette économie sucrière, car ils s'efforçaient de revendre assez cher le sucre en Europe : le marché brésilien restait sous la dépendance du marché de consommation européen et la chance d'un maître de moulin était d'être lui-même marchand ou parent de marchand. De toute façon, pour la subsistance quotidienne, le moulin à sucre représentait une sorte de domaine seigneurial d'économie fermée, non monétaire ; les profits monétaires et commerciaux ne servaient qu'aux dépenses de luxe et à quelques investissements d'entretien et d'amortissement, une fois faites les dépenses initiales.[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Frédéric MAURO : professeur d'histoire à l'université de Nanterre et à l'Institut des hautes études de l'Amérique latine
Classification
Médias
Autres références
-
AMAZONE, fleuve
- Écrit par Pierre CARRIÈRE
- 2 326 mots
- 2 médias
-
AMÉRIQUE LATINE - Les religions afro-américaines
- Écrit par Roger BASTIDE
- 3 175 mots
- 1 média
-
ARAUCANS
- Écrit par Simone DREYFUS-GAMELON
- 1 056 mots
Araucan est un mot forgé au xvie siècle par Ercilla, poète espagnol, à partir d'un nom de lieu indigène. Depuis lors, son usage s'est imposé en ethnologie pour désigner un ensemble de populations qui, parlant la même langue et culturellement apparentées, occupaient, à l'arrivée des conquistadores,...
-
ATLANTIQUE HISTOIRE DE L'OCÉAN
- Écrit par Jacques GODECHOT et Clément THIBAUD
- 13 670 mots
- 12 médias
Leif Eriksson n'aurait pas été le seul à aborder « l'Amérique ». Les sagas(récits) scandinaves racontent que son frère Thorwald aurait également abordé au Vinland en 1003. Il y aurait lutté contre les indigènes et aurait péri au cours d'un combat. En 1006, Thorstein, un autre frère de Leif,... - Afficher les 29 références