AMÉRIQUE LATINE Les religions afro-américaines
Le dynamisme des religions afro-américaines
Les religions africaines sont non seulement toujours vivantes en Amérique, mais encore elles rayonnent. Les candomblés de Bahia ont des succursales à Rio et aujourd'hui à São Paulo ; la pagelance nègre, venue du Maranhão, s'étend en Amazonie. Les exilés de Cuba et de Haïti ont apporté leurs cultes aux États-Unis, et des Noirs nord-américains, mais aussi parfois des Blancs y adhèrent ; on compte deux cents lieux de culte afro-américains dans les « Harlem » de New York et de Washington ; les tambours sacrés appellent les Orisha ou les Voduns en Californie.
Cependant, au cours du temps, des métamorphoses se produisent. On a déjà signalé qu'au Brésil les Orisha sont identifiés à des saints catholiques ; il en est de même à Cuba et pour le Shangô de l'île de la Trinité et pour les Voduns à Haïti. Ce syncrétisme « catholico-fétichiste », comme l'ont appelé les premiers observateurs du phénomène, est plus ou moins prononcé suivant la strate hiérarchique (davantage chez les fidèles que chez les prêtres) ou suivant le pays (davantage en Haïti qu'à Cuba, et davantage, semble-t-il, à Cuba qu'au Brésil). Mais, sous ce masque blanc, la religion noire reste relativement pure. D'autres changements sont plus profonds.
Au Brésil, dans les très grandes villes, les religions yoruba, bantoue, catholique et le spiritisme ont fini par se fondre pour donner naissance d'abord à la macumba, où néanmoins l'élément africain domine (sacrifices animaux, possession par les dieux), et ensuite à une forme spéciale de spiritisme, le spiritisme de Umbanda, où les éléments jugés trop barbares pour pouvoir s'adapter à la société moderne sont éliminés et où les possessions par les dieux sont remplacées par les possessions par les esprits des morts d'anciens nègres (les Orisha et leurs correspondants catholiques ne sont plus alors que les généraux qui commandent, dans le monde éthéré, les phalanges des morts). À la Jamaïque, le myalisme a cédé la place à un culte extatique où l'on entre bien toujours en communication avec les esprits des morts, mais aussi avec les anges, et où la fonction de guérison des malades semble l'emporter sur la fonction proprement religieuse. Le myalisme, par ailleurs, s'est amalgamé sous forme syncrétique avec le protestantisme du revival pour donner naissance à la secte des shepherds, qui par certains côtés rappelle le spiritisme de Umbanda. À Haïti, le Vodou reste plus fidèle certes à ses lignes directrices, mais le nombre des Voduns qui s'incarnent croît sans cesse, ce qui fait qu'à côté des Voduns africains, il existe aujourd'hui un nombre considérable de Voduns créoles.
Bien entendu, tandis que les religions africaines se transforment au contact des autres religions, celles des Blancs aussi se laissent influencer par les religions africaines. Le catholicisme des Brésiliens, Cubains et Haïtiens blancs se colore de « superstitions » d'origine africaine apportées par les nourrices noires qui ont veillé sur l'enfance des Blancs, par les domestiques et les amantes de couleur qui vivent à leurs côtés : en particulier, le culte des morts, qui – par exemple chez les paysans du Venezuela ou du Brésil – a des côtés africains très visibles, et le culte des saints, auxquels on offre parfois des sacrifices animaux.
Mais on doit aller plus loin et se poser la question de savoir si, dans les pays anglo-saxons, le protestantisme noir, qui, par ses côtés affectif, gestuel, voire extatique, se distingue du protestantisme blanc, du moins dans la basse classe (la bourgeoisie noire ayant accepté le puritanisme de la classe moyenne américaine), n'est pas une réinterprétation, en termes chrétiens, de la vieille religion africaine. C'est, pour les États-Unis, l'opinion de M. J. Herskovits.[...]
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Écrit par
- Roger BASTIDE : professeur honoraire à l'université de Paris-I
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