AMÉRIQUE LATINE Littérature hispano-américaine
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Les débuts de l'Indépendance
Une littérature d'action
Les grands combats menés à partir de 1810 pour soustraire les Indes occidentales à la tutelle de l'Espagne ont d'abord éclipsé, pendant un quart de siècle, toute littérature qui ne fût pas militante. Durant cette période, les lettres célèbrent ou orientent l'action quand elles ne se confondent pas avec elle. L'éloquence du libérateur vénézuélien Simón Bolívar (1783-1830), dans ses discours et dans ses écrits politiques, illustre excellemment ce fait. Et les déceptions, les trahisons qui suivirent ne doivent pas nous cacher la beauté de ce grand sursaut qu'ont intensément ressentie les meilleurs esprits de l'époque. Parmi ces derniers, Andrés Bello (1781-1847), compatriote, ami et mentor de Bolívar, demeure l'un des plus éminents : poète ardent, prosateur impeccable, juriste, grammairien, rénovateur de l'université au Chili et au Venezuela, son pays.
Cependant, au panaméricanisme latin, célébré par les poètes de l'Indépendance – entre autres par l'Équatorien José Joaquín Olmedo (1780-1847) –, ne tarda pas à succéder l'ère néfaste des tyrannies nationales. En Argentine, celle de Juan Manuel de Rosas (1793-1877), l'une des plus longues (elle dura de 1835 à 1852) et des plus cruelles, eut tôt fait de reléguer les talents dans le camp de l'opposition. C'est en exil que le grand juriste Juan Bautista Alberdi (1810-1884) jeta les bases d'une constitution rationnelle et juste ; en exil que mourut Estebán Echeverría (1805-1851), auteur de Rimas (1837) lamartiniennes et d'un court chef-d'œuvre de prose violente, El matadero (L'Abattoir), écrit entre 1838 et 1840, stigmatisant le régime honni. De tous ces proscrits, le plus efficace fut l'historien, sociologue avant la lettre, Domingo Faustino Sarmiento (1811-1888), dont le Facundo (1845), dénonçant le fléau récurrent de la dictature, pose en même temps de vigoureuse façon le dilemme « civilisation ou barbarie », thème principal de son œuvre et de son apostolat. Après la chute de Rosas (1852), il occupa les plus hautes fonctions dans l'État, jusqu'à la magistrature suprême, ayant donné l'exemple d'un art viril, méprisant l'esthétisme, le purisme, entièrement voué à l'action.
En Équateur, Juan Montalvo (1832-1889) s'en prend à la dictature théocratique de Gabriel García Moreno (1821-1875) en des ouvrages polémiques d'une écriture plus surveillée, qui ajoutent à sa réputation de polémiste celle, un peu surfaite, de styliste.
On peut préférer à sa prose celle du Péruvien Ricardo Palma (1833-1919), dont les Tradiciones peruanas (1872) constituent un monument d'érudition aimable et légère. Toutefois, cet esprit libre, d'abord engagé dans la politique, s'en dégagea bientôt pour se consacrer à son art ainsi qu'à ses tâches de bibliothécaire national. Aux confins de l'histoire et de la fiction, il peut être considéré comme un maître du genre narratif en ce sous-continent où la pratique du conte a longtemps prévalu – et prévaut souvent encore – sur celle du roman, tard venu.
La naissance du roman
Le roman n'est apparu en Amérique latine que vers le milieu du xixe siècle. Espagnol, étranger ou local, ce genre y fut quasiment inconnu pendant toute l'ère coloniale. Le fait s'explique en partie par certaines ordonnances royales qui prohibaient aux Indes occidentales l'introduction – a fortiori la production – des ouvrages de fiction, soupçonnés de corrompre l'esprit et les mœurs des natifs (en majorité analphabètes !).
De fait, ce fut seulement en 1816, en pleines guerres de libération, que le gazettiste et pamphlétaire mexicain José Joaquín Fernández de Lizardi (1776-1827) s'enhardit à produire une narration satirique[...]
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Écrit par
- Albert BENSOUSSAN : professeur émérite à l'université de Rennes-II-Haute-Bretagne
- Michel BERVEILLER : maître de conférences à la faculté des lettres et sciences humaines d'Amiens
- François DELPRAT : professeur émérite, université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
- Jean-Marie SAINT-LU : agrégé d'espagnol, maître de conférences honoraire à l'université de Toulouse-II-Le Mirail
Classification
Médias
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