AMÉRIQUE LATINE Littérature hispano-américaine
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Le XXe siècle
Les poètes postmodernistes
Le cygne, cher à Darío (à l'égal de la couleur bleue), était devenu son symbole. En condamnant à mort ce volatile de très verlainienne façon, dans un sonnet de 1911, le poète mexicain Enrique González Martínez (1871-1952) appelait ses pairs à l'insurrection. Le modernisme n'en poursuivit pas moins sa carrière en divers pays, mais il n'y régna plus sans conteste. En Argentine, par exemple, l'œuvre d'un Leopoldo Lugones (1874-1938) ou celle d'un Enrique Banchs (1888-1968) atteste sa vitalité. Néanmoins, dès la fin de la Première Guerre mondiale, d'autres mouvements poétiques s'y dessinaient. L'un des plus subversifs devait être, dans les années 1920, l'« ultraïsme », importé d'Espagne par l'Argentin Jorge Luis Borges (1899-1986), qui ne tarda d'ailleurs pas à désavouer cette erreur de jeunesse.
Parallèlement apparaissaient : au Chili, le « créationnisme » de Vicente Huidobro (1893-1948) ; au Mexique, le « stridentisme » ; ailleurs, d'autres « écoles » d'avant-garde, aussi éphémères que prétentieuses, parmi lesquelles ne manquaient pas les théories d'« a-littérature » ou de poésie délibérément « anti-poétique ». Les vrais tempéraments échappèrent à ces pédanteries, ou ne tardèrent pas à s'en déprendre. Dans le nombre, quelques génies féminins : l’Uruguayenne Juana de Ibarbourou (1895-1979) ou la Chilienne Gabriela Mistral (1889-1957), qui reçut en 1945 le prix Nobel de littérature, le premier qui récompensait une œuvre de la littérature hispano-américaine.
La seule influence européenne notable est celle du surréalisme, qui s'accompagne souvent de tendances communistes, trotskistes ou socialisantes. En relèvent, à des degrés divers, les déchirements du Péruvien César Vallejo (1892-1938), les musiques afro-américaines du Cubain Nicolás Guillén (1902-1989), les recherches du Méxicain Octavio Paz (1914-1998), l'enthousiasme panique du Chilien Pablo Neruda (1904-1973). Rares sont les œuvres qui ne doivent rien aux idéologies de gauche, comme celles du Méxicain Alfonso Reyes (1889-1959) ou, dans sa seconde et classique manière, celle de Jorge Luis Borges. En tout état de cause, le meilleur de Rubén Darío mis à part, c'est dans le crépuscule du modernisme que la poésie de l'Amérique hispanique a fini par trouver ses accents les plus convaincants.
Le roman et le triomphe de l'indigénisme
Le fait le plus marquant de la même période, c'est l'importance croissante prise par la littérature romanesque, et notamment l'essor du roman social et indigéniste.
De plus en plus rares sont les romanciers uniquement soucieux de faire œuvre d'art. À cette catégorie appartiennent encore l’Argentin Enrique Larreta (1875-1961), auteur de La gloria de Don Ramiro (1908), remarquable roman historique évoquant la Castille aux temps de Philippe II, et l’Uruguayen Carlos Reyles (1868-1938), dont El embrujo de Sevilla (1925) a pour cadre et pour objet principal l'Andalousie contemporaine. Deux brillantes « espagnolades », demeurées sans imitateurs.
Les romanciers du xxe siècle s'attachent de plus en plus à la peinture des mœurs nationales (ou régionales) et contemporaines, dans le dessein, inégalement sincère, de les réformer. Portés par un courant issu du naturalisme européen (Zola, Pérez Galdós), ils dénoncent avec crudité les tares de la société qui les entoure : la prostitution dans les capitales, avec Santa (1903), du Mexicain Federico Gamboa (1864-1939), Nacha regules (1918), de l'Argentin Manuel Gálvez (1882-1962), ou, dans les provinces, la cruauté des puissants à l'égard des humbles – La maestra normal (1916), du même auteur.
Bientôt, l'intérêt tend à se concentrer sur les paysans indigènes, souvent réduits,[...]
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Écrit par
- Albert BENSOUSSAN : professeur émérite à l'université de Rennes-II-Haute-Bretagne
- Michel BERVEILLER : maître de conférences à la faculté des lettres et sciences humaines d'Amiens
- François DELPRAT : professeur émérite, université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
- Jean-Marie SAINT-LU : agrégé d'espagnol, maître de conférences honoraire à l'université de Toulouse-II-Le Mirail
Classification
Médias
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