AMÉRIQUE LATINE Rapports entre Églises et États
Les réactions à l'encontre des nouveaux venus
Les régimes autoritaires et conservateurs latino-américains ont bien accueilli ces mouvements, indifférents aux réalités sociales et pour certains anticommunistes militants. Le pentecôtisme a ainsi fortement progressé au Chili après le coup d'État du général Pinochet. Les militaires uruguayens accordèrent quant à eux des facilités à Sun Myung Moon qui cherchait un point d'ancrage en Amérique latine pour installer la logistique de son Église. Cette dernière a ultérieurement mobilisé contre le communisme plusieurs responsables politiques latino-américains de haut niveau par l'intermédiaire de l'Association pour l'unité latino-américaine et de la Confédération des associations pour l'unité des sociétés latino-américaines. Le lien entre anticommunistes « moonistes » d'Amérique du Nord et du Sud était assuré par la World Anticommunist League. D'autres gouvernants d'orientation populiste ont ultérieurement intégré le dynamisme mobilisateur de ces Églises dans leurs combats. Ainsi, en 1990, au Pérou lorsque Alberto Fujimori sollicita et reçut le soutien des évangélistes. L'un d'entre eux, le pasteur Carlos Garcia accéda même à la vice-présidence après la victoire du candidat. Au Guatemala, deux hommes politiques d'origine catholique, devenus évangélistes et prédicateurs, ont occupé la magistrature suprême, recréant de la sorte sous une version actualisée l'union du trône et de l'autel : d'abord le général Efraín Rios Montt, dictateur putschiste en 1982, plus tard chef du Front républicain guatémaltèque, parti qui canalise les revendications et l'identité des groupes néo-protestants ; ensuite, Jorge Serrano Elias, président démocratiquement élu en 1991. Au Brésil, le groupe des députés évangélistes apporta son appui au président Fernando Collor en 1990.
L'Église catholique a essayé différentes stratégies pour résister à la pression conjuguée de certains gouvernements latino-américains, de Washington et des nouvelles confessions. Elle a parfois été tentée de revenir sur son aspiration traditionnelle à l'autonomie pour se soumettre à l'autorité. Les évêques brésiliens ont ainsi salué en 1964 la réussite du coup d'État militaire. L'épiscopat argentin a assuré de son soutien les militaires tortionnaires à l'époque du proceso, la dictature militaire. Les évêques haïtiens ont aussi, dans leur grande majorité, accepté en 1991 le pronunciamiento du général Raoul Cédras.
La tendance dominante a été pourtant autre. Dans la lignée spirituelle des « papes sociaux », beaucoup de prêtres et d'évêques ont choisi le parti des plus déshérités. Léon XIII, avec son encycliqueRerum novarum, avait d'autant plus marqué les esprits qu'en 1899 il avait réuni à Rome, pour la première fois, un an après la prise de Cuba et de Porto Rico par les États-Unis, le premier concile plénier latino-américain. Cette inflexion fut confirmée par Jean XXIII, initiateur du deuxième concile du Vatican en 1962, et par son successeur Paul VI. Des militants catholiques engagés dans le monde ont alors obtenu les premières victoires électorales de la démocratie-chrétienne latino-américaine au Chili avec le Parti démocrate-chrétien d'Eduardo Frei, au Costa Rica avec le Parti d'unité sociale chrétienne de Rodrigo Carazo, au Salvador avec le Parti démocrate-chrétien de José Napoleón Duarte, au Pérou avec le Parti populaire chrétien de Fernando Belaúnde Terry et au Venezuela avec le Comité électoral indépendant d'organisation politique de Rafael Caldera. À Medellín, en 1968, puis à Puebla, en 1979, les deuxième et troisième Conférences des évêques latino-américains confirmèrent en l'accentuant le choix des pauvres opéré par l'Église universelle.[...]
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Écrit par
- Jean Jacques KOURLIANDSKY : chargé de recherche du secteur Amérique latine et péninsule Ibérique à l'Institut de relations internationales et stratégiques
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Médias
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