SOW FALL AMINATA (1941- )
Un réalisme poétique
Ses romans se focalisent sur des tableaux vivants de la société sénégalaise où quelques personnages forts s’impriment durablement dans l’esprit du lecteur, de l’employé à l’enseignant, du diplômé sans emploi au retraité, de l’ex-président et dictateur déchu au sage en retrait par rapport à la vénalité du présent et à la soif de promotion des nouveaux possédants. Quant aux grandes constantes de son univers, elles consistent notamment à :
– présenter un « miroir de la culture sénégalaise », en donnant toute sa part à la dimension musulmane et à la culture wolof. L’onomastique est résolument sénégalaise. Les thèmes révèlent les tensions entre l’identité d’origine et l’identité acquise ; chacune doit prendre à l’autre le meilleur, sous peine de s’embourber dans une aliénation déstructurante pour l’individu ;
– transcender le réalisme par une écriture poétique dans les évocations de la nature sénégalaise et de la culture des mets et des rencontres ;
– inscrire l’oralité à travers les chants et les contes, les mythes et légendes, toujours intégrés de façon judicieuse dans le cours de la narration ;
– intégrer la langue wolof en provoquant de constantes interférences linguistiques qui obligent le lecteur, même si la dominante du texte est en français, à prendre conscience que la langue des personnages n’est pas toujours celle-ci.
En mars 2017, Boubacar Boris Diop annonçait la substitution dans un avenir proche d’une littérature dans les langues africaines – pour le Sénégal, le wolof – à la littérature d’expression française. Nul doute que le travail sur les langues accompli dans l’écriture d’Aminata Sow Fall est l’illustration d’une transition extrêmement féconde vers d’autres générations d’écrivains sénégalais. Ses fictions se lisent avec fluidité, tant la langue est exacte et l’équilibre heureux entre réalisme et poésie. La voix narratrice, directement ou par le truchement d’un personnage, n’hésite pas à manier l’humour ou l’ironie, ne se lassant jamais de dénoncer les dérives du pays en des accusations souvent cinglantes qui ne ménagent pas les institutions en place. En contrepoint, Aminata Sow Fall inscrit les richesses culturelles et humaines d’un pays et d’un continent.
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Écrit par
- Christiane CHAULET ACHOUR : professeure émérite de littérature comparée de l'université de Cergy-Pontoise
Classification
Média
Autres références
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FRANCOPHONES LITTÉRATURES
- Écrit par Jean-Marc MOURA
- 7 220 mots
- 5 médias
...dictature, fleurissent (Alioum Fantouré, Henri Lopes). Certains auteurs, tels Williams Sassine ou Mongo Beti, évoquent un monde néocolonial dominé et malade. À partir de la fin des années 1970, l’écriture féminine vient témoigner de la condition des femmes africaines,avec Aminata Sow Fall et Mariama Bâ.