AMNISTIE
Comme la réhabilitation, l'amnistie est une mesure qui procède à l'extinction de la peine en même temps qu'à l'effacement de la condamnation prononcée. L'amnistie est une intervention du législateur, qui répond à un but d'apaisement social ou à des considérations d'ordre politique : pratiquement, chaque nouvelle élection d'un président de la République a pour conséquence une loi d'amnistie. En fait, l'amnistie est une très vieille institution. L'Antiquité la connaissait déjà, et le terme même vient du nom donné par les Athéniens à la loi proposée par Thrasybule en ~ 403 afin d'obtenir que les partis se réconcilient et oublient (amnêstia signifie oubli et pardon) les querelles nées de la mesure d'expulsion portée contre les Trente. L'ancien droit — sous le terme d'abolition — ne fit que la reprendre, et elle subsiste encore aujourd'hui.
Dans l'ordre interne et relativement aux individus bénéficiant d'amnistie, on peut se demander où réside le bien-fondé d'une institution qui méconnaît profondément la personnalité du délinquant, rejetant au milieu de la société un individu non encore resocialisé. On a pu se demander, notamment à la fin du xixe siècle, qui devait octroyer l'amnistie. Cette dernière n'était-elle pas un droit régalien, ressortissant par conséquent aux prérogatives du chef de l'exécutif ? La plupart des régimes autoritaires ont tranché ce nœud gordien à leur avantage, et il n'est que de rappeler le régime de la Restauration et les deux Empires successifs ou, plus proche de nous, le régime de Vichy, qui s'arrogea le pouvoir d'amnistie par l'acte constitutionnel no 2 du 11 juillet 1940, article 1. Au contraire, les régimes démocratiques et libéraux préférèrent laisser le soin d'amnistier au pouvoir législatif, émanation de la nation, arbitre général de toutes les mesures de paix et d'apaisement social.
Longtemps, l'amnistie ne bénéficia qu'aux individus ayant commis des infractions effectivement énumérées par la loi ; c'était l'amnistie dite réelle. Mais, pour pallier le défaut, signifié plus haut, de l'aveuglement de la mesure, depuis 1919 est apparue une autre forme d'amnistie, l'amnistie personnelle. Parmi les grands textes d'amnistie, et sans compter les lois consécutives à une élection présidentielle, signalons la loi du 16 août 1947 visant les auteurs de coalition de fonctionnaires, de rébellion, de négligence dans la garde des détenus, de bris de scellés, de dégradation de monuments publics, de vagabondage, de coups et blessures volontaires, de blessures ou d'homicide par imprudence, d'adultère, etc. ; la loi du 6 août 1953 amnistiant surtout certains individus condamnés pour collaboration avec l'ennemi ; la loi du 31 juillet 1959, mesure adoptée en conséquence de l'avènement de la Ve République et amnistiant, notamment, les délits commis entre le 1er mai et le 28 septembre 1958, en rapport avec les événements politiques d'alors ; les décrets du 22 mars 1962 « portant amnistie des infractions commises au titre de l'insurrection algérienne » et « de faits commis dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre dirigées contre [celle-ci] » ; la loi du 31 juillet 1968 portant « amnistie générale de toutes infractions commises en relation avec les événements d'Algérie » ; celle du 2 mars 1982 « portant statut particulier de la région de Corse » ; celles, encore, du 31 décembre 1985, du 9 novembre 1988 ou du 10 janvier 1990 relatives à la Nouvelle-Calédonie ; celle, enfin, qui fit un certain bruit, du 15 janvier 1990, « relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques ».
L'amnistie[...]
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Écrit par
- Joël GREGOGNA : avocat à la Cour
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