GITAÏ AMOS (1950- )
Amos Gitaï, cinéaste israélien, est né à Haïfa le 11 octobre 1950. Deux ans plus tôt, le 14 mai 1948, Ben Gourion avait proclamé l'indépendance de l'État d'Israël. Le lendemain commençait la première guerre israélo-arabe. Amos Gitaï a été le témoin, à l'occasion l'acteur, et par ses films le commentateur engagé d'une situation de crise qui pèse lourdement sur l'histoire du dernier demi-siècle.
Son grand-père maternel, d'origine russe, était arrivé en 1905 dans ce qui était alors la Palestine ottomane pour participer à la fondation des premiers kibboutz et du mouvement syndical. Sa mère, Efratia Margalit, avait étudié la psychanalyse auprès d'un disciple de Freud avant d'enseigner la théologie juive. Son père, Munio Weinraub-Gitaï, d'origine polonaise, avait travaillé au Bauhaus dans l'entourage de Kandinsky et de Mies van der Rohe. Après avoir quitté l'Allemagne à la suite de l'arrivée des nazis au pouvoir, il pratiqua et enseigna l'architecture à Haïfa et Tel Aviv jusqu'à sa mort, en 1970.
Les années de formation
Amos Gitaï commence en 1971 des études d'architecture à Haïfa, et les achève à Berkeley, aux États-Unis, en 1976. Entre-temps, mobilisé dans une unité de l'armée de l'air, il a pris part à la guerre du Kippour, en octobre 1973, et y a été gravement blessé quand son hélicoptère a été abattu par un missile syrien. Cet épisode sera à l'origine de son meilleur film, Kippour (2000). C'est aussi en 1973 qu'il commence à tourner des films courts, en format réduit (super 8 ou 16 mm). À partir de 1977, ses films documentaires en 16 mm noir et blanc sont produits et diffusés par la télévision israélienne. Mais en 1980, La Maison, un documentaire qu'il considère comme son premier film « abouti », est interdit : il y était question du statut d'une maison de Jérusalem-Est saisie par le pouvoir israélien depuis 1948. On l'accuse alors de faire le jeu des Palestiniens. L'affaire de La Maison eut deux conséquences : Amos Gitaï abandonna l'architecture pour le cinéma, et choisit l'exil.
En août 1982, il s'installe à Paris. Pendant une décennie, il va se forger une identité cinématographique au contact d'une avant-garde européenne ouverte à des influences venues du spectacle vivant ou de recherches picturales. Il n'avait pas de passé de cinéphile. Il se cultive, fait des rencontres stimulantes, comme celle d'Henri Alekan, vieux maître de la lumière, qui éclairera ses premiers longs-métrages de fiction, (Esther, 1985 ; Berlin-Jérusalem, 1989 ; Golem, l'esprit de l'exil, 1991). Il dirige des acteurs recrutés dans toute l'Europe, et apprend, avec un producteur qui lui restera fidèle, Laurent Truchot, à construire des montages financiers complexes, associant des aides publiques à des producteurs privés et à des chaînes de télévision dans toute l'Europe et en Israël. Un Babel financier qui lui permet d'expérimenter dans toutes les directions, du documentaire politique (avec Ananas, 1983, et Bangkok-Bahrein, 1984, il est l'un des premiers à attirer l'attention sur les effets pervers de la mondialisation de l'économie) aux recherches de scénario, de texte et de forme qui enrichissent, mais aussi alourdissent, les trois longs-métrages de la trilogie de l'exil évoqués plus haut. Il lui arrive même de quitter le cinéma, le temps de créer une performance théâtrale en Sicile ou à Venise.
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Écrit par
- Jean-Pierre JEANCOLAS : professeur d'histoire, historien de cinéma, président de l'Association française de recherche sur l'histoire du cinéma
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