OZ AMOS (1939-2018)
L'enfance d'Amos Oz coïncide avec la guerre d'indépendance et la fondation de l'État d'Israël (1948) ; sa jeunesse est marquée par la construction d'une nouvelle société où la réalisation d'un rêve entraîne obligatoirement difficultés et désillusions, tandis que le modèle idéal du sabra (l'image emblématique du nouveau Juif, natif du pays) se fissure et que la vision collective d'une identité nationale cède le pas à une plus grande individualisation.
Amos Klausner, né le 4 mai 1939, fils d'immigrés venus de Russie, a choisi en 1955 le nom d’Amos Oz, lors de son installation au kibboutz Houlda, après le suicide de sa mère. Il enseigne par la suite la littérature à l'université de Beer-Sheva. Romancier prolifique, il incarne, autant dans sa biographie que dans sa poétique, le parcours de toute une génération d'écrivains. Connu pour ses engagements politiques et ses prises de position, amoureux de la langue hébraïque, il a bâti une œuvre aux multiples facettes, abondamment traduite et primée. Il meurt à Tel-Aviv le 28 décembre 2018.
Quête de personnages, quête d'auteur
Au cours de sa longue carrière, Amos Oz n'a jamais cessé d'explorer son métier d'écrivain, abordant divers thèmes et une grande variété de procédés littéraires : un recueil de nouvelles (Les Terres du chacal, 1965), un récit à la première personne dont le principal personnage est une femme (Mon Michaël, 1968), deux romans consacrés à la vie du kibboutz (Ailleurs, peut-être, 1966 ; Un juste repos, 1982), l'histoire poétique d'une croisade (Jusqu'à la mort, 1971) et un roman épistolaire qui explore la psychologie d'un amour destructeur (La Boîte noire, 1987) ne sont que quelques exemples de ce foisonnement permanent. Sans oublier ses œuvres maîtresses : un récit polyphonique inclassable constitué de textes très courts partiellement rimés (Seule la mer, 1999) et une autobiographie où le vécu personnel acquiert indéniablement une dimension nationale (Une histoire d'amour et de ténèbres, 2002).
Si chacun de ces textes met en scène un univers différent, leur confrontation permet de dégager une série de thèmes récurrents qui, au-delà de l'action proprement dite, expriment les motivations profondes des personnages. Placés au centre, puis repoussés à la périphérie (ou vice versa), ces leitmotive se présentent souvent sous forme de structures antithétiques qui, en dépit de leur redondance, dénotent une véritable évolution. Dans les premières œuvres, publiées notamment dans les années 1970 ou au début des années 1980 (Ailleurs, peut-être ; Mon Michaël ; Jusqu'à la mort ; Un juste repos), les personnages sont tiraillés entre l'attirance irrésistible vers un autre lieu et la recherche d'une sérénité, accessible ici et maintenant. « Ailleurs » se trouve ainsi opposé au « juste repos », même si ces deux notions restent ambiguës et polysémiques. Tantôt réelles, tantôt hypothétiques, les destinations énoncées se résument parfois à un simple désir d'évasion, à un sentiment d'espoir ou de nostalgie : un jeune homme fuit le kibboutz où il est né, un autre, venu d'Europe, cherche à s'y intégrer ; une jeune mariée déçue par la banalité quotidienne se réfugie dans la rêverie avant de sombrer dans le délire ; mû par la foi ou poussé par le chagrin, un seigneur part en croisade d'où il ne reviendra pas. Pour tous ces êtres, seul compte le départ ou bien la volonté de partir, car la destination est rarement atteinte. Le « juste repos », le pendant de cet appel au voyage, revêt lui aussi diverses représentations : la quiétude domestique, un point d'ancrage affectif, le renoncement au désir ou l'ultime repos offert par la mort comme le suggère la tradition juive. L'illusion du départ n'a d'équivalent[...]
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Écrit par
- Ziva AVRAN : maître de conférences en hébreu à l'université Lille-III
Classification
Médias
Autres références
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SEULE LA MER (A. Oz) - Fiche de lecture
- Écrit par Sylvie COHEN
- 929 mots
Amos Oz (1939-2018) est né à Jérusalem de parents émigrés de Russie et de Pologne au début des années 1930. Sa biographie incarne les multiples facettes du mythe israélien : le sabra, l'enfant de Jérusalem, le kibboutznik (en 1954, après le suicide de sa mère, il part s'installer au kibboutz Houlda...
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ISRAËL
- Écrit par Marcel BAZIN , Alain DIECKHOFF , Encyclopædia Universalis , Claude KLEIN , Lily PERLEMUTER et Ariel SCHWEITZER
- 28 622 mots
- 29 médias
Enfin, c'est aux valeurs sacrées sur lesquelles est fondée la société israélienne qu'Amos Oz (1939-2018), prix Femina étranger 1988 pour La Boîte noire, s'attaque, dès ses premiers ouvrages. Il dévoile l'envers du décor d'une société qui défend des idéaux dont elle se détourne en fait : ...