AMPHITRYON, Molière Fiche de lecture
La seconde interdiction du Tartuffeen 1667contraint Molière à chercher un nouveau sujet de pièce. Il le puise dans la mythologie grecque et le théâtre latin en reprenant l'histoire d’Amphitryon, déjà traitée, entre autres, par Plaute (Amphitruo, 187 av. J.-C.) et, plus récemment, par Jean de Rotrou (Les Sosies, 1638). Jouée pour la première fois au théâtre du Palais-Royal le 13 janvier 1668, puis, quelques jours plus tard, aux Tuileries, devant le roi, la pièce, en trois actes et en vers libres, connaît un grand succès. Tenue parfois pour une œuvre mineure au regard de la trilogie Dom Juan(1665), Le Misanthrope(1666) et Le Tartuffe (1669), elle n’en connaîtra pas moins une belle postérité, et inspirera notamment Heinrich von Kleist (Amphitryon, 1807), ou encore Jean Giraudoux (Amphitryon 38,1929).
Les dieux s'amusent
La pièce s’ouvre par un prologue, dans lequel Mercure, envoyé par son père Jupiter, demande à la Nuit de se prolonger afin de favoriser l’union de celui-ci avec Alcmène, la jeune épouse d’Amphitryon, général thébain parti guerroyer, dont il a pris l’apparence.
Acte I. Sosie, le valet d’Amphitryon, chargé par son maître en pleine nuit de faire le récit à Alcmène de ses exploits et de préparer sa venue, répète son discours. C’est alors que survient Mercure « sous la forme de Sosie ». Du dialogue de sourds qui s’ensuit entre les deux personnages, le messager des dieux, à force de menaces, de coups et d’arguments troublants, sort vainqueur, le vrai Sosie finissant par mettre en question sa propre identité : « Et de moi je commence à douter tout de bon. » De son côté, après leur nuit d’amour, Jupiter, sous les traits d’Amphitryon, dit ses sentiments à Alcmène. Éprouvant quelque dépit de n’être aimé en retour que comme son mari, il s’efforce, sans se découvrir, de l’amener à dissocier l’époux (Amphitryon) et l’amant (lui-même). Cette rhétorique se poursuit sur un mode mineur dans la scène suivante, entre Cléanthis, suivante d’Alcmène et femme de Sosie, et Mercure, toujours sous les traits du valet : devant les récriminations de Cléanthis, qui se plaint de n’être plus courtisée comme vient de l’être sa maîtresse par son supposé époux (« Regarde, traître, Amphitryon, / Vois combien pour Alcmène il étale de flamme »), Mercure/Sosie lui conseille de prendre un amant.
Acte II. De retour chez lui, le véritable Amphitryon écoute, exaspéré, le récit de son valet, dont il ne croit pas un mot, puis apprend de son épouse, étonnée de le revoir si tôt, qu’il vient de passer la nuit avec elle. Accusée d’infidélité, Alcmène se défend et s’indigne. Symétriquement, Cléanthis reproche amèrement à Sosie les propos qu’il (en fait Mercure) lui a tenus. Devant tout le désordre qu’il a causé, Jupiter redescend sur Terre en Amphitryon, assure son amour à Alcmène et lui demande de lui pardonner, tout en rejetant la faute sur le mari : « C’est l’époux qu’il vous faut regarder en coupable. / L’amant n’a point de part à ce transport brutal ». Alcmène refuse d’abord de céder à cette argumentation, puis, constatant le désespoir de celui qu’elle croit toujours être son époux, finit par accorder son pardon. Cléanthis, quant à elle, refuse de se réconcilier avec Sosie.
Acte III. Accablé de jalousie, incapable de comprendre ce qui lui arrive, Amphitryon rencontre Mercure, toujours sous l’apparence de Sosie, qui lui refuse l’entrée de sa propre maison au motif... qu’Amphitryon s’y trouve en compagnie d’Alcmène ! Appelés par Sosie, les capitaines thébains mis en présence des deux Amphitryon se révèlent incapables de distinguer le vrai du faux. Mercure persiste à tourmenter Sosie jusqu’à ce que Jupiter décide enfin de révéler la vérité, et de se porter garant auprès d’Amphitryon de la fidélité d’Alcmène, tout en annonçant la naissance future d’Hercule. Durant[...]
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Écrit par
- Guy BELZANE : professeur agrégé de lettres
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Média
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