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MATUTE ANA MARÍA (1926-2014)

Écrivain espagnol, Ana María Matute est née le 26 juillet 1926 à Barcelone. La guerre civile vue à travers le regard des enfants est au cœur de son inspiration. « Caïn et Abel, le combat entre frères, cela est un nœud essentiel dans mon œuvre », souligne-t-elle. L'expérience qu'elle eut de ces déchirures, ainsi que de la maladie, contribue au climat douloureux d'un univers romanesque à la fois réaliste et plein de fantaisie, évoquant souvent des êtres meurtris, aux prises avec le tragique de l'existence. Si, selon elle, « l'être humain est une bête », il n'en reste pas moins qu'à la violence des situations décrites se mêle beaucoup de tendresse ou de compassion. Les haines fratricides sont évoquées dès son premier roman, Los Abel (1948). La vie rurale en Castille et les mœurs brutales des paysans composent le sujet – sublimé dans une vision poétique – de Fête au nord-ouest (Fiesta al noroeste, 1953). Le monde imaginaire ou onirique – dans lequel Ana María Matute s'exprime toujours avec bonheur – se confond avec le monde réel, perçu avec acuité, dans Théâtre de marionnettes (PequeñoTeatro, 1954) : dans le petit port basque d'Oiquixa débarque d'un voilier un personnage étrange, Marco, d'une beauté irrésistible, qui va mettre en émoi tout le village. Plaignez les loups (Los Hijosmuertos, 1958) est la saga d'une famille de grands propriétaires terriens divisée par la guerre. Ressassant toujours le passé, à jamais incapables d'inventer l'avenir, républicains ou franquistes, vaincus ou vainqueurs, tous ces acteurs d'une épopée absurde et cruelle verront leurs destins également brisés. Entreprise en 1959, une trilogie intitulée Les Marchands, s'attache, plus qu'aux événements (la guerre est toujours là), aux crises, aux passions et aux rêves qui meuvent les protagonistes. Composé avec rigueur, l'ensemble est d'une grande justesse psychologique : Les Brûlures du matin (Primera Memoria, 1960) ; Les soldats pleurent la nuit (Los Soldadoslloran de noche, 1964) ; La Trampa (Le Piège, 1969). L'invention prend plus de libertés dans La Tour de guet (La Torre vigía, 1971), roman sur le haut Moyen Âge. Outre deux récits autobiographiques (À mi-chemin, A la mitaddelcamino, 1961 ; Le Fleuve, El Río, 1963) et des contes pour enfants (Seul un pied déchaussé ; Solo un pie descalzo, 1983), Ana María Matute a publié plusieurs recueils de nouvelles : Les Petits Sots (Los niñostontos, 1956) ; Le Temps (El Tiempo, 1956) ; Trois et un rêve (Tres y un sueño, 1961) ; Histoire de la Artamila (Historia de la Artamila, 1961) ; Quelques jeunes gens (Algunos muchachos, 1968).

OlvidadoreyGudú (Gudú, le roi oublié, 1996), recrée le monde magique de l'enfance, avec ses gnomes, ses lutins, ses monstres, ses sorcières, le prince Contrefait, la princesse Sosotte... Autour du roi Gudú, au cœur insensible, et de sa mère, la reine Ardid, une sacrée coquine qui a rendu son fils incapable d'aimer, c'est toute l'histoire d'une dynastie médiévale du xe siècle, dans le mythique royaume d'Olar à la brutalité inouïe, qui est racontée. Nourri de légendes provenant de nombreuses régions d'Europe, ce roman ambitieux et volumineux, que l'auteur considère comme « le livre de sa vie » ou son « testament littéraire », voudrait être l'histoire en miniature de « toute l'humanité et de tout ce qui est sur le point de disparaître ».

Ana María Matute est morte à Barcelone le 25 juin 2014.

— Bernard SESÉ

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Écrit par

  • : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española

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