ANALYSE & SÉMIOLOGIE MUSICALES
Depuis le milieu de la décennie de 1970, un grand nombre de recherches empiriques ont fait de la sémiologie musicale un des axes originaux de l'analyse musicale. Sous son influence, l'analyse dispose aujourd'hui de méthodes inspirées de la phonologie, de la technique paradigmatique, de la grammaire générative ; la sémantique musicale est parvenue, avec les outils de la psychologie expérimentale, à des résultats vérifiables. Dans une perspective plus vaste, l'une des branches de la sémiologie musicale s'attache à montrer comment les stratégies compositionnelles, les structures immanentes de l'œuvre et les stratégies perceptives sont reliées entre elles. La sémiologie musicale est passée des affirmations théoriques à la mise en œuvre concrète d'outils analytiques.
Aperçu historique
Du strict point de vue de l'impact sur le public, la sémiologie musicale a connu son heure de gloire vers 1975, après la parution de numéros spécialisés de revues et avec la publication d'ouvrages de synthèse : entre 1971 et 1975, la défunte revue Musique en jeu consacre ses numéros 5, 10, 12 et 17 à cette nouvelle tendance, Jean-Jacques Nattiez publie ses Fondements d'une sémiologie de la musique en 1975 et, en 1976, Gino Stefani fait paraître en Italie son Introduzione alla semiotica della musica. On pourrait encore citer les nombreuses sessions spéciales de congrès musicologiques, qui, tant en Europe qu'aux États-Unis, s'intéressent à elle entre 1973 et 1978.
Mais cette émergence forte ne signifie pas que l'on s'entende à l'époque sur une définition claire de ce qu'est la sémiologie musicale, tout simplement parce que le concept de sémiologie est lui-même très vaste. Si, dans les années soixante, et avec la caution d'un Barthes ou d'un Lévi-Strauss, structuralisme et sémiologie sont pratiquement synonymes, les divers courants structuralistes (Ferdinand de Saussure, Louis Trolle Hjelmslev, l'école de Prague, la sémiologie dite de la communication, l'école de Tartu, Aljirdas Jules Greimas, Julia Kristeva, Umberto Eco) sont loin de présenter un front uni. L'influence de la linguistique structurale est évidente chez la plupart de ces auteurs, mais, aux États-Unis, la sémiotique de Charles Sanders Peirce et celle de Charles William Morris proviennent d'horizons philosophiques – logique, pragmatisme – complètement différents.
Toutefois, si, avec le recul, et au-delà des débats purement théoriques et épistémologiques, on cherche à cerner ce que la (ou les) sémiologie(s) de la musique ont apporté d'empirique et de concret à la musicologie, et tout particulièrement à l'analyse musicale, on peut admettre que, indépendamment de la logique propre au cheminement de chaque auteur, elle a introduit dans le travail empirique trois grands axes d'études et de recherches : un renouvellement des approches analytiques sous l'influence des modèles linguistiques structuraux ; une méthodologie précise, élaborée à partir de la psychologie expérimentale, pour l'élucidation de la sémantique musicale ; une conception dite tripartite de l'œuvre musicale considérée comme fait symbolique.
C'est sans doute pour cela, comme l'attestent des ouvrages de synthèse sur l'analyse musicale (I. Bent, 1987, pp. 96-99 ; N. Cook, 1987, pp. 151-182 ; J. Dunsby & A. Whittall, 1988, pp. 209-231 ; J. Kerman, 1985, p. 74), que la sémiologie musicale est considérée comme l'une de ses tendances majeures, aux côtés de l'analyse schenkérienne, de l'approche de Rudolph Réti, de la Set theory (théorie des ensembles) de Allen Forte, des travaux de Leonard Meyer et des propositions de Fred Lerdahl et Ray Jackendoff.
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Écrit par
- Jean-Jacques NATTIEZ : professeur titulaire de musicologie
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