RAPOPORT ANATOL (1911-2007)
Au printemps de 1945, capitaine de l'armée de l'air américaine stationné en Inde, Anatol Rapoport se désigne comme « pianiste (concert) ; mathématicien (Ph. D.) ; sémanticien ». C'est pendant la Seconde Guerre mondiale qu'il se convainc que le mode de pensée scientifique serait le seul moyen de débarrasser l'humanité de la guerre. Tour à tour biologiste, psychologue et spécialiste de la résolution des conflits, il emploiera à la tâche qu'il s'est donnée des outils mathématiques comme la théorie des jeux et les réseaux de neurones, mais aussi la sémantique générale, la théorie générale des systèmes ou la théorie de l'évolution.
Né russe à Lozovaya (Russie, aujourd'hui Ukraine) le 22 mai 1911, Anatol Rapoport émigre avec ses parents aux États-Unis en 1922 et est naturalisé américain en 1928. D'origine modeste, il doit à son talent de pianiste d'être admis au Conservatoire de musique de Vienne, où il étudiera de 1929 à 1934. Se tournant vers les mathématiques après une brève carrière de concertiste, il réussit, en à peine quatre ans, à passer licence, master et doctorat à l'université de Chicago. Ses premiers travaux relèvent de l'algèbre et sa thèse, soutenue en 1941, porte sur la construction de corps non abéliens.
Engagé volontaire, il enseigne des notions de physique aux jeunes recrues, en Alaska, et s'intéresse à la manière dont le langage naturel contraint la pensée et complique d'autant plus sa transmission. Au printemps de 1944, il publie son premier article scientifique intitulé « La Physique newtonienne et les cadets de l'air ». C'est à ce moment que débute son association avec l'Institut de sémantique générale, fondé par Alfred Korzybski (1879-1950). Influencé par son disciple Samuel Hayakawa (1906-1992), Rapoport présidera lui-même cette société de 1953 à 1955.
En 1947, Rapoport est, à l'université de Chicago, adjoint au comité de biologie mathématique que dirige Nicholas Rashevsky (1899-1972), qui cherche alors à appliquer les méthodes mathématiques de la physique théorique à la biologie et à la sociologie. Tirant son inspiration de la théorie des réseaux de neurones de Warren McCulloch (1899-1969) et Walter Pitts (1923-1969), Rapoport fournit des modèles mathématiques pour divers phénomènes comme la chaîne des dénigrements (pecking order) chez les poulets, les mouvements de masses, la diffusion des rumeurs et des contagions, le parasitisme.
En 1954, Rapoport fait partie des tout premiers boursiers du Centre d'études avancées sur les sciences du comportement de Stanford, en Californie. Il y rencontre le biologiste Ludwig van Bertalanffy (1901-1972), l'économiste Kenneth Boulding (1910-1993) et le neurophysiologiste Ralph Gerard (1900-1974), avec lequels il va fonder la Société de recherche sur les systèmes généraux (aujourd'hui International Society for System Sciences). Nommé professeur de biologie mathématique à l'université du Michigan à Ann Arbor, Rapoport prend part à la fondation d'un Institut de recherche sur la santé mentale et, en 1957, toujours à Ann Arbor, au lancement du Journal of Conflict Resolution.
C'est aussi à Stanford que Rapoport se familiarise avec la théorie des jeux de John von Neumann (1903-1957) et Oskar Morgenstern (1902-1977). Il a publié plusieurs livres d'introduction sur le sujet, dont un traduit en français : Théorie des jeux à deux personnes (1966). Bien que la théorie des jeux soit le langage paradigmatique des stratèges de la guerre froide, notamment à la Rand Corporation, Rapoport y voit pourtant l'espoir de découvrir les lois fondamentales des conflits et la manière de les éviter, ce qu'il expose dans Combats, débats et jeux (1960). Lors du concours informatique organisé en 1980 par le politologue Robert Axelrod (né en 1943)[...]
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Écrit par
- David AUBIN : professeur, université Paris-VI
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