KOPP ANATOLE (1915-1990)
Si l'Occident a redécouvert depuis les années 1960 les théories et les formes des avant-gardes russes, il le doit notamment, dans le domaine de l'architecture, aux publications et à l'action d'Anatole Kopp, mort le 6 mai 1990. Kopp appartenait à la génération d'historiens qui succéda aux pionniers tels que Sigfried Giedion ou Nikolaus Pevsner pour transmettre les idéaux du Mouvement moderne, à un moment où l'échec de la politique des « grands ensembles » et la montée du discours post-moderne tendaient à les discréditer définitivement.
Né à Petrograd en 1915, Kopp reçoit sa formation initiale à l'École spéciale d'architecture de Paris puis, pendant la guerre, au Massachusetts Institute of Technology. Il découvre au Black Mountain College, où il est assistant et qui est dirigé par des anciens de Dessau, l'héritage du Bauhaus. De retour en France en 1944, Kopp travaille avec le fonctionnaliste américain Paul Nelson. Dès son premier voyage en U.R.S.S. en 1956, après la mort de Staline, il découvre l'agonie du « réalisme socialiste » et s'intéresse à la rénovation de l'architecture autorisée par les réformes khrouchtchéviennes et à l'histoire de sa période héroïque. Le premier livre de Kopp, Ville et révolution, fera émerger dès 1967 les images noires et blanches des bâtiments maudits d'un temps oublié.
Kopp travaille alors en France pour la Sonacotra et construit plusieurs ensembles d'habitation à Oran et Alger, grâce aux rapports qu'il avait su établir avec les Algériens pendant la guerre.
Communiste actif, mais critique, Kopp avait en effet aidé les « porteurs de valises ». Il prendra un congé définitif du P.C.F. après l'invasion de la Tchécoslovaquie. Appelé en 1968 par Marc Émery à enseigner l'histoire à l'École spéciale d'architecture, Kopp en devient le directeur pendant quelques années. Parallèlement, devenu professeur au département d'urbanisme de l'université de Paris-VIII, il abandonne la profession tandis qu'il centre, avec Changer la vie, changer la ville, ses analyses sur le projet social du constructivisme russe.
Élargissant son propos à la période du « réalisme socialiste », il décortique dans L'Architecture de la période stalinienne (1978) les mécanismes selon lesquels la réaction culturelle s'implante dans l'U.R.S.S. des années 1930. Avec L'Architecture de la reconstruction, il retrouve ses expériences initiales dans la France d'après guerre, s'il ne parvient guère à trouver de politique sociale novatrice dans l'action du ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme. À la poursuite méthodique des grandes entreprises de l'architecture « de gauche » associant invention formelle et transformation sociale, Kopp concentre aussi son attention sur l'Amérique du New Deal rooseveltien et sur les réalisations des fonctionnalistes allemands en Israël.
Avec son dernier livre, qui est sans doute aussi le plus polémique, Quand le moderne n'était pas un style mais une cause, Anatole Kopp proposera une sorte d'intégrale de ses réflexions antérieures sur l'unité des politiques de réforme sociale et des stratégies architecturales du Mouvement moderne, de l'Allemagne de Weimar à la Russie et des Etats-Unis à Paris.
Bibliographie
A. kopp, Ville et révolution, Anthropos, Paris, 1967 ; Changer la vie, changer la ville, Union générale d'éditions, Paris, 1975 ; L'Architecture de la période stalinienne, Presses univ. de Grenoble, 1978 ; L'Architecture de la reconstruction en France, 1945-1953, Éd. du Moniteur Paris, 1982 (avec F. Boucher et D. Pauly) ; Quand le moderne n'était pas un style mais une cause, École nationale supérieure des beaux-arts, Paris, 1988.
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Écrit par
- Jean-Louis COHEN : architecte, historien, professeur à l'Institut français d'urbanisme, université de Paris-VIII, et à l'Institute of Fine Arts, New York University
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