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ANATOMIE ARTISTIQUE

Mannequins, modèles et académisme

Les modèles schématiques s'apparentent par ailleurs à l'usage des mannequins, qui se développe à partir du xvie siècle.

Jan Steen et Vermeer sont parmi les plus connus des artistes qui usèrent assez volontiers de cet auxiliaire. Ils ne furent pas les seuls et l'on peut encore citer, parmi bien d'autres, P. Aertsen, P. Codde, G. Dou, P. de Hooghe, G. Metsu, C. Netscher, P. Slingelandt, G. Terborch, E. de Witte. Il semble bien qu'il faille aussi compter parmi les initiateurs de cette pratique des artistes aussi fameux que Ghirlandaio, Fra Bartolomeo et Dürer. Ces maîtres surent cependant corriger la raideur d'attitude du mannequin articulé au moyen d'études dessinées sur le modèle vivant. L'artifice saute aux yeux dans les autres cas ; l'impression de vie fait très souvent défaut, les regards, tout particulièrement, ne semblent pas se répondre et la séduction du moment scénique manque cruellement.

On a pu retrouver dans l'attirail fossile des ateliers un certain nombre de ces anciens mannequins articulés : la plupart ont quelque vingt-cinq centimètres de haut, d'autres le double ; il y a lieu de penser qu'on en utilisa de grandeur nature. Le prix et la solidité de ces modèles articulés firent qu'ils servirent souvent à plusieurs générations de peintres. C'est pourquoi des mannequins anciens de proportions maniéristes, aux membres allongés et terminés en pointe, firent survivre en plein xviiie siècle des types corporels bien antérieurs. L'emploi de ces personnages ne pouvait, de toute façon, avoir de sens que dans des recherches préliminaires d'attitudes ou pour des études de draperies. Leur existence est bien représentative de la dégénérescence du travail d'atelier où la division des tâches se substitue au feu du génie.

Aujourd'hui, le mannequin articulé est sorti de l'atelier. Il peuple les vitrines et célèbre les accordailles du textile et du profit. Son statut d'automate arrêté valorise l'étoffe qui le vêt. Il est remarquable qu'on accorde la même dénomination aux êtres animés chargés de représenter le type souverain de beauté proposé à la foule hétérogène. Distant et impératif, le mannequin incarne une image culturelle qui réunit les thèmes de l'efficacité aux motifs d'un sur-moi exotique. Simple anatomie ambulante, plus ou moins vêtue, le mannequin, dans sa béatitude ordonnée, offre la panoplie de l'intégration culturelle de l'individu à l'univers de la série industrielle.

Les cahiers de modèles ne nous démontrent pas seulement la pédagogie des arts du dessin ; ils nous dévoilent aussi des types idéaux de la perfection plastique qui se sont imposés avec plus ou moins de faveur aux époques et dans les pays qui les acceptèrent. Au même titre, sinon davantage, que des œuvres insignes, ce sont des manifestes culturels de l'état technique et économique de la société où ils apparaissent.

Les techniques de gravure et d'impression ont multiplié les carnets de modèles et en ont assuré la survie. D'après Gombrich, celui de Vogthers, publié à Strasbourg en 1538, mais maintes fois réédité, serait le plus ancien des recueils imprimés. On y voit quantité d'échantillons de têtes entières et de membres destinés, aux dires mêmes de l'auteur, à nourrir l'inspiration d'artistes qui ne peuvent voyager et admirer au loin les œuvres fameuses. C'est un répertoire d'idées graphiques, marquées certes de la griffe de l'auteur, et une série de vues de parties du corps sous différents angles. Mais ce n'est point à proprement parler une méthode progressive pour former la main des débutants.

<it>Mars et Vénus</it>, A. Carrache - crédits : De Agostini/ Getty Images

Mars et Vénus, A. Carrache

Il faut, semble-t-il, attendre le recueil de Fialetti, publié à Venise en 1608, pour voir un manuel où les difficultés de la pratique[...]

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