ANAXIMANDRE (VIe s. av. J.-C.)
De quelque quinze ou vingt ans le cadet de Thalès, et sans doute son élève : ce qui place sa maturité entre ~ 570 et ~ 565 environ. À la suite d'Aristote et de Théophraste, la doxographie ancienne lui attribue une place importante à l'origine des techniques, des sciences et de la philosophie. Il aurait dessiné les premières cartes de géographie et la première carte du ciel. Il aurait introduit en Grèce le gnômôn, une règle dressée ou un triangle, dont l'ombre portée sur un cadran permet de repérer l'heure solaire. Il aurait su repérer la position et les intervalles des équinoxes et des solstices.
Anaximandre a conçu la Terre comme un disque, un « fût de colonne », flottant dans l'« infini » : la Terre n'a pas besoin d'être portée ni par le géant Atlas ni par les Eaux thalésiennes, parce que, dans l'infini, toutes directions étant équivalentes, la Terre n'a pas de raison de se porter plutôt dans l'une que dans l'autre. Des cercles, tels des cerceaux, la cernent, mobiles et inclinés selon divers degrés sur le plan de la Terre : on pourrait se représenter les cerceaux comme des gaines d'un tissu obscur, enveloppant le feu qui perce au travers pour former les astres. Cet arrangement ressemble à une machine agencée avec une précision horlogère, suffisante pour avoir permis la prévision rationnelle. Dans un environnement infini, et sur ce modèle, des cosmos en nombre infini pourraient se former, naître et mourir.
La cosmographie d'Anaximandre pose un principe au nom de l'Apeiron, le « Non-Limité », l'« In-Définissable ». Ce n'est ni Terre, ni Mer, ni Feu, mais encore une autre chose, portant un autre nom. Chose riche ou grosse de contraires, qui vont se séparer et s'affronter : le côté de tout ce qui est chaud-léger-lumineux ; le côté de tout ce qui est froid-dense-obscur. De là découlent les autres choses. Un texte conservé par Simplicius dit : « Ce dont provient pour toutes choses leur naissance, leur mort aussi survenant les y ramène, par nécessité. Car elles se rendent mutuellement justice et se paient compensation pour les dommages, selon l'ordre du Temps. » Selon un schème emprunté aux institutions judiciaires qui règlent dans les cités le jeu des forces des familles, tribus ou partis affrontés, Anaximandre projette au ciel, et agrandit à la dimension cosmique, le jeu des forces, réglé par un principe d'ordre portant les noms associés du Temps et de la Justice, Chronos et Diké. Plusieurs Modernes ont rangé dans la même structure les étapes de la cosmogonie d'Anaximandre et les générations des théogonies du même âge, notamment celle de Phérécyde.
Ce qui est remarquable chez Anaximandre, c'est qu'il relègue les entités physiques, après avoir évacué les entités mythiques, au profit d'un principe plus reculé (sinon métaphysique), lequel porte le nom de « celui qu'on ne saurait ni limiter ni définir » : un tréfonds « tout enveloppant », à célébrer avec les attributs du divin.
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Écrit par
- Clémence RAMNOUX : professeur honoraire à l'université de Paris, ancien professeur à l'université de Paris-X-Nanterre
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Média
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