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ANCIEN RÉGIME

L'Ancien Régime et la Révolution

Au total, dans ce que l'on appelle l'« Ancien Régime », un type de société et une forme très évolutive de gouvernement reposent sur une même et fondamentale contradiction.

D'une part, au cours de sa croissance normale, l'État moderne, avec sa structure administrative de plus en plus complexe, doit longtemps, et nécessairement, tenter un compromis toujours provisoire avec les vieilles formes, féodales d'abord, seigneuriales ensuite. Aux yeux de l'opinion publique naissante du xviiie siècle, ce compromis ressemble davantage à une compromission qu'à autre chose. Compromission qui paralyse d'ailleurs, à nos yeux de modernes, les efforts d'adaptation des bureaux versaillais.

D'autre part, la seigneurie, qui étouffe la paysannerie, rend l'auto-investissement paysan décidément difficile, sinon impossible. Or la noblesse considère la seigneurie comme sa force principale. C'est peut-être une illusion, et il n'est pas impossible que dans certaines régions, comme la Normandie des pays de la Seine, la propriété nobiliaire se soit trouvée plus grande vers 1830 qu'en 1789.

La crise financière de l'Ancien Régime était, en soi, assez facilement soluble. Elle n'a pris figure de crise de régime que parce qu'elle mettait en jeu les privilèges fiscaux. Ils sont la raison évidente de la révolution juridique bourgeoise de juin-juillet 1789. Celle-ci a réussi, non seulement du fait de l'aveuglement et du manque de clairvoyance de l'entourage royal (y compris Necker), mais surtout grâce à l'appui des révolutions municipale et paysanne de juillet : elles balaient tout l'Ancien Régime en ne conservant, très provisoirement, que la royauté. L'avalanche détruit et confond l'anachronisme profond qu'est la seigneurie, et l'institution profondément actuelle et efficace de l'intendance. Il est significatif que la deuxième n'ait suscité aucun regret, alors que la bourgeoisie a fort hésité en ce qui concerne la seigneurie, essayant de garder subrepticement ce qu'elle avait concédé durant la nuit du 4 août. Les besoins de la guerre européenne, imprudemment engagée contre l'avis tardif d'un Robespierre lui-même longtemps hésitant, ont imposé le retour à la centralisation dite jacobine, et ce avec nombre d'hommes occupant des postes clefs de l'ancienne administration. Débarrassé des « legs absurdes » du passé, Napoléon a pu entériner et infléchir l'énorme travail de préparation effectué tant par l'ancienne administration que par les régimes révolutionnaires, et en particulier celui, si décrié mais fécond entre tous, du Directoire.

Ainsi, Tocqueville a raison de souligner que « la centralisation administrative est une institution de l'Ancien Régime », que « la révolution administrative avait précédé la révolution politique », que « la Révolution a beaucoup moins innové qu'on ne le suppose généralement ». Il désapprouve cette évolution, n'ayant pas compris, en homme du xixe siècle, son caractère inéluctable. Il n'en reste pas moins vrai que les révolutionnaires ont voulu créer, très consciemment, cette coupure, en détruisant l'« Ancien Régime » politique et social, comme le soutenait Taine. Cependant, 1789 repose sur une ambiguïté. Tout comme la popularité momentanée des parlements du xviiie siècle était fondée sur le refus des « pères du peuple » d'accepter de nouveaux impôts, pour n'avoir point à les payer eux-mêmes, de même 1789 a indifféremment détruit les legs moyenâgeux de la seigneurie et des ordres, et le legs, plus moderne mais tout aussi lourd, des offices, ainsi que l'ensemble des nouveautés administratives. Toutes les catégories de la population se sont trouvées d'accord sur ce seul point. D'où les difficultés éprouvées,[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Rennes

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<it>Entrée solennelle de Louis XIV et de la reine Marie-Thérèse à Arras</it>, A. F. van der Meulen - crédits : A. F. van der Meulen/  Bridgeman Images

Entrée solennelle de Louis XIV et de la reine Marie-Thérèse à Arras, A. F. van der Meulen

Le cardinal Mazarin - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Le cardinal Mazarin

Le Dénombrement de Bethléem, Pieter Bruegel l'Ancien (bois, Musées royaux des beaux-arts, Bruxelles). - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Le Dénombrement de Bethléem, Pieter Bruegel l'Ancien (bois, Musées royaux des beaux-arts, Bruxelles).

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