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ANCIEN RÉGIME

Naissance de l'information économique

Plus important eût été encore de connaître le volume de la production annuelle des diverses récoltes ou, du moins, leurs variations annuelles relatives. L'idée, si elle est assez ancienne comme en témoignent les timides et fort fantaisistes estimations de quelques intendants de la seconde moitié du xviie siècle, n'apparaît sous une forme administrativement utilisable et généralisée qu'avec le contrôleur général Orry, l'homme de la stabilisation de la livre, des premières enquêtes sur les lettres de « petit cachet » et des grandes routes royales. À partir de 1735 environ, les états de prévision des récoltes et les états de récoltes permirent d'avoir d'année à année, et même du début de l'été à l'automne, une vue approchée des fluctuations agricoles. Les procédés ont pu ensuite se perfectionner, mais ils n'ont jamais dépassé le stade des estimations qualitatives fondées sur l'équivalence de douze douzièmes à une récolte « normale », c'est-à-dire moyenne. Ces estimations, fondées la plupart du temps sur les dires des décimateurs, sont en général fortement sous-évaluées. Rares sont les provinces, comme la Bretagne, où les intendants ont réussi, dès les débuts, à obtenir une estimation assez vraisemblable. Du moins le Contrôle général pouvait-il, dès lors, mesurer les variations des prix des grains en fonction de la récolte. Secret soigneusement gardé, qui est pour quelque chose dans la rumeur publique du « pacte de famine ».

Il n'était sans doute pas possible d'obtenir des renseignements chiffrés plus exacts. Car, par-delà les interminables palabres sur les conceptions des juristes et des théoriciens de la monarchie dite absolue, la structure de toutes les nations reste déterminée par l'impossibilité d'imposer à une économie de capacité de production limitée et de progression annuelle lente, toujours sujette à des rechutes, un poids administratif exagéré. La lenteur des mutations économiques entraîne celle des mutations psychologiques. La « nouvelleté » est le mal à proscrire par excellence aux yeux de la majeure partie de la population, même au xviiie siècle. À plus forte raison si le fisc s'en mêle. D'ailleurs, n'est-il pas significatif que l'étude quantitative de l'Ancien Régime ait commencé, avec F. Simiand et E. Labrousse, par l'établissement des courbes des prix, premier procédé statistique mis en place par l'administration du xviiie siècle ? Statistiques de production de métaux précieux et de frappes monétaires, courbes de mouvement commercial maritime et, finalement, courbe de la démographie historique (avec P. Goubert) ne sont venues qu'après coup : l'ordre de succession correspond, en gros, à celui des tentatives administratives de l'Ancien Régime. Il y a peut-être une progression de l'esprit administratif, non point logique et cartésienne, mais nécessaire et donnée, inhérente à sa nature même, liée sans doute aussi aux possibilités d'établir des statistiques en fonction des besoins locaux originels. Le prix quotidien du pain, la nécessité d'évaluer les revenus des biens patrimoniaux sur des données incontestables ont primé la nécessité de l'abstraction administrative, qui ne devient pleinement efficace que par la concentration, la centralisation des données. Ainsi, Versailles a été en mesure de calculer la hausse des prix des grains, a pu autoriser ou non l'exportation vers l'étranger, avant que les bureaux locaux, qui avaient pourtant transmis toutes les données, aient eu l'idée de faire les quelques opérations élémentaires qui eussent abouti au même résultat.

L'époque « moderne » – celle de l'Ancien Régime – est celle qui permettra un jour à l'historien d'avoir quelques données[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Rennes

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<it>Entrée solennelle de Louis XIV et de la reine Marie-Thérèse à Arras</it>, A. F. van der Meulen - crédits : A. F. van der Meulen/  Bridgeman Images

Entrée solennelle de Louis XIV et de la reine Marie-Thérèse à Arras, A. F. van der Meulen

Le cardinal Mazarin - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Le cardinal Mazarin

Le Dénombrement de Bethléem, Pieter Bruegel l'Ancien (bois, Musées royaux des beaux-arts, Bruxelles). - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Le Dénombrement de Bethléem, Pieter Bruegel l'Ancien (bois, Musées royaux des beaux-arts, Bruxelles).

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