ANDO TADAO (1941- )
Géométrie, élégance, sérénité
Parmi ses premières œuvres, celle qui lui valut sa réputation et que l'on peut considérer comme inaugurale (restée d'ailleurs à ce jour peut-être la plus forte) consiste en une petite maison privée, de deux niveaux, bâtie en 1976 à Ōsaka dans le quartier de Sumiyoshi. Serrée sur un terrain de 3 mètres de largeur autour d'une courette d'un total dépouillement, elle est pourvue d'une façade plate, aveugle, simplement marquée par les joints et les ondulations du coffrage de contreplaqué ainsi que par les petites traces rondes régulières du système de fixation des banches qui deviendront sa marque de fabrique. Un trou rectangulaire étroit percé en guise de porte y introduit une monumentalité laconique d'un intense effet dramatique.
Pour un public d'amateurs éclairés (professeurs, industriels, stylistes), il a construit dans la région d'Ōsaka plusieurs villas ou groupes d'habitations organisés selon de strictes règles de composition et le plus souvent, au début du moins, liées à un thème abstrait : par exemple, la symétrie ou le double (reflet, jugea la critique, de ses obsessions de jumeau) ou la clôture de l'espace derrière des parois opaques ou des écrans translucides de pavés de verre (reflet, dit-on alors, de son caractère introverti). Elles ont pour nom la « Maison-mur » (1976-1977), la « Maison aux briques de verre » (1977-1978), la « Maison au mur de briques de verre » (1977-1979).
Dans la villa de la couturière Koshino à Ashiya (1979-1981, agrandie en 1984) se développent une maîtrise de la lumière, un sens de la spatialité, du cadrage des vues et de l'organisation des percements, portes et fenêtres très subtilement découpées sur la surface plane des murs, et enfin un usage inédit de ces parcours construits que Le Corbusier, qui les appelait des « promenades architecturales », avait inventés en son temps. Avec cette œuvre, Andō manifeste une rare capacité à combiner dans une nouvelle approche, tant physique que spirituelle, la tradition savante, délicatement raffinée, de la perception japonaise de l'espace et les géométries nettes, abstraites et puristes nées des expériences des avant-gardes européennes dans l'entre-deux-guerres : pour l'essentiel des volumétries orthogonales, dialoguant souvent avec des mouvements en arc de cercle.
Dès les années 1970, l'un de ses traits caractéristiques est de bâtir des univers protégés, contemplatifs, dans lesquels le plaisir des sensations les plus communes (le glissement de la lumière sur une paroi de béton fruste, à la fois brut et relativement poli, le rapport au temps qui passe, au climat, aux saisons) atteint une dimension inaccoutumée dans l'architecture contemporaine, avec une belle frugalité de moyens qui confine au mystique. Si c'est le béton armé qui a fait la célébrité de Andō Tadao, avec cette texture particulière qu'il a su lui conférer, lisse, régulière, presque luisante parfois, à tel point que l'on a souvent identifié l'architecte à ce seul matériau. Plus généralement, on découvre dans son travail l'influence de Le Corbusier, bien sûr, mais aussi de l'architecte américain Louis Kahn et de sa poésie du silence, des masses et de la lumière, du Mexicain Luis Barragan, avec ses longs plans de murs qui paraissent coulisser, ses failles ménagées à contre-jour, enfin des artistes minimalistes des années 1960, Donald Judd, Richard Serra ou Sol LeWitt, auxquels il emprunte le goût des dispositifs très simples mais pourvus d'une forte efficacité physique.
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Écrit par
- François CHASLIN : critique d'architecture
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