BRETON ANDRÉ (1896-1966)
« Qui suis-je ? » demandait André Breton au début d'un de ses livres les plus célèbres, Nadja. C'est son œuvre tout entière qui apporte la réponse, mais la question pour lui n'a jamais été close. Homme d'une ténacité exigeante dans ses choix profonds et en même temps homme de la liberté intérieure la plus inlassable, homme du mouvement, il s'avance à la découverte des vraies valeurs de la vie et de ce qui les fonde en se cherchant lui-même. Aussi les faits et les dates de son existence sont-ils les jalons d'une aventure humaine souvent pathétique et de valeur exemplaire, dans une époque déchirée et bouillonnante, où ont été et demeurent mises en question les vieilles idées sur l'homme et le monde, ces idées reçues que Breton voulait anéantir par la force des idées à faire recevoir.
La découverte de la « résistance absolue »
André Breton est né le 19 février 1896, dans un village de l'Orne, Tinchebray, mais ses ascendances sont bretonnes et lorraines. Il passe sa petite enfance à Saint-Brieuc, auprès de son grand-père maternel auquel l'attachait une vive affection et qui lui a peut-être donné son goût des plantes, des insectes. En 1900, ses parents s'installent à Pantin. Le souvenir de l'école communale de Pantin, comme celui du collège Chaptal qu'il fréquente de 1906 à 1912, se retrouve dans quelques passages de « Saisons » (Les Champs magnétiques). De ces années, rendues moroses par le dur autoritarisme de sa mère, par l'ennui des routines scolaires, datent quelques-unes de ses aversions les plus affirmées : « Qu'avant tout l'idée de famille rentre sous terre ! » (L'Amour fou). Mais, vers sa quinzième année, une grande lumière perce la grisaille de l'existence, celle de la poésie dont il a la révélation soudaine grâce à un professeur, Albert Keim, par l'intermédiaire de Mallarmé. La passion de la poésie, désormais, l'absorbe tout entier ; il lit Baudelaire, les symbolistes, fréquente les séances poétiques du Vieux-Colombier, découvre Huysmans, un de ses grands enthousiasmes de jeunesse ; il écrit lui-même des poèmes. Dès cette époque, on est frappé chez lui par la rigueur des exigences, la fermeté d'un jugement qu'il sait approfondir et nuancer, le refus de toute facilité et le sens de la tenue dans l'expression ; un goût très vif pour la peinture et des prédilections durables, comme celle qui le tourne déjà vers Gustave Moreau, s'affirment en même temps. Inscrit à la faculté de médecine en octobre 1913, il continue à s'intéresser davantage à la poésie qu'à la chimie. Il rencontre Jean Royère et publie dans sa revue La Phalange, en mars 1914, trois de ses premiers poèmes ; l'un est dédié à Paul Valéry dont il fait alors la connaissance.
À la déclaration de guerre, le jeune Breton ne se laisse pas entraîner par l'enthousiasme belliqueux qui submerge le pays ; « déclarations puérilement chauvines, confiance exorbitante en soi-même », note-t-il au lendemain même de la mobilisation. Appelé en avril 1915 dans un régiment d'artillerie à Pontivy, il essaie d'échapper par la lecture de Rimbaud et de Jarry à « l'école des bons travaux abrutissants » qu'est pour lui l'apprentissage militaire. À Nantes, où il est versé au bout de quelques mois dans le service de santé, il fait la rencontre la plus décisive de sa vie, celle de Jacques Vaché (« La Confession dédaigneuse » dans Les Pas perdus). Ce que lui apporte Jacques Vaché, à peine plus âgé que lui-même, c'est, par le moyen de l'humour, un exemple de « résistance absolue », à la guerre bien sûr, mais aussi, par-delà, aux hiérarchies et aux valeurs consacrées par une civilisation capable d'enfanter cette guerre. À ce monde dans lequel « on n'arrive à se faire une place au soleil que pour[...]
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Écrit par
- Marguerite BONNET : docteur d'État, professeur à l'université de Tours
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