CAMPRA ANDRÉ (1660-1744)
Organiste, maître de chapelle, musicien de théâtre, créateur de l'opéra-ballet, André Campra est l'une des grandes figures de son siècle. Son écriture, qui renouvelle tout ce qu'elle touche, représente une synthèse originale des styles italien et français, qui caractérise le début du xviiie siècle. Fils d'un chirurgien italien, Campra est en 1674 l'élève de G. Poitevin à la maîtrise de Saint-Sauveur d'Aix-en-Provence, comme le seront J. Gilles et E. Blanchard ; il est ordonné prêtre en 1678 ; d'abord maître de chapelle à Toulon (1679), à Arles (Saint-Trophime, 1681), à Toulouse (cathédrale Saint-Étienne, 1683), il arrive à Paris en 1694 et dirige alors la maîtrise de l'église des Jésuites (Louis-le-Grand), puis, jusqu'en 1700, celle de Notre-Dame de Paris, où il introduit des violons dans l'accompagnement alors confié aux contrebasses et aux bassons.
De son œuvre religieuse, citons le premier livre de Motets (1695) à une, deux et trois voix et plusieurs messes avec continuo (une seule est en plain-chant musical), notamment la messe Ad majorem Dei gloriam (1699). C'est seulement la démission de Delalande (1722), auquel il succède à la chapelle royale avec C. H. Gervais et N. Bernier, qu'il reprend des fonctions de musicien sacré, tout en dirigeant la musique du prince de Conti et, surtout après 1730, l'Opéra. Entre 1695 et 1720, il écrit quatre nouveaux recueils de Motets pour solistes (1700, 1703, 1706, 1720) et, en 1737-1738, deux remarquables livres de Psaumes mis en musique à grand chœur, où il atteint à un pathétique inhabituel chez lui. Dans ses pages religieuses, il désirait en effet, selon ses dires, « faire les chastes délices des âmes pieuses ». Ces œuvres sacrées sont écrites dans un style plutôt contrapuntique, parfois isorythmique, toujours marqué de ses qualités personnelles : mélodie ample et ornée avec aisance, vocalises jubilatoires, développement thématique, rythme souple (avec prédilection pour le ternaire provençal), chœurs éclatants, harmonie souvent audacieuse, instrumentation fournie et habile. En 1754, le jésuite M. A. Laugier note : « Lalande est un artiste qu'on estime davantage, Campra est un séducteur qu'on aime infiniment » (Apologie de la musique française). Appliquant au chœur la technique du continuo, Campra affirme nettement la tonalité et module plus que Delalande. Avec F. Couperin, il est le maître du petit motet : à côté de deux pages exquises — O dulcis amor, à voix seule, et Tota pulchra es, à deux voix — citons le Fecit potentiam (Magnificat), qu'il traduit par le martèlement des syllabes sur une même note ou, dans le Laudate, le parti qu'il tire des silences interrompant les incises d'une mélodie. Par de tels accents, il surpasse certes Lully dans le grand motet, il est plus chaleureux qu'un M.-A. Charpentier ou un Delalande, mais il n'atteint peut-être pas à leur magnificence. E. Titon du Tillet rappelle que les foules se pressaient à Notre-Dame à l'exécution de ses œuvres et il déplore qu'il ait « déserté l'église pour l'opéra ». Pourtant, là aussi, il fut un maître.
Bien qu'on puisse trouver une esquisse de ce nouveau genre dans Le Ballet des saisons de P. Colasse (1695), c'est sur un livret d'Antoine Houdar de La Motte que Campra crée, sous le prénom de son frère Joseph, le premier opéra-ballet, L'Europe galante (1697), qui tint la scène jusqu'à la Révolution. Il rejette le style pompeux de Lully, ainsi que le cadre conventionnel de sa tragédie, pour introduire à la scène lyrique plus de spontanéité et de simplicité, le « naturel » de la déclamation, une fraîcheur et une tendresse inaccoutumées, une verve puisée dans les rythmes de la chanson populaire. Ce genre conventionnel devient, chez lui, un charmant support où s'enchaînent[...]
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Écrit par
- Pierre-Paul LACAS : psychanalyste, membre de la Société de psychanalyse freudienne, musicologue, président de l'Association française de défense de l'orgue ancien
Classification
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