CAYATTE ANDRÉ (1909-1989)
Essentiellement connu pour ses films-plaidoyers en faveur d'une justice plus sereine, le réalisateur – avant Justice est faite qui inaugura en 1950 ce cycle d'œuvres « au service de grandes causes humanitaires » – avait tourné de nombreux films de prestige, avec les toutes grandes vedettes de l'époque, dans le contexte du cinéma de l'Occupation.
André Cayatte est né en 1909 à Carcassonne. Licencié en lettres et en droit, il est au départ attiré par l'écriture. Tout en plaidant au barreau de Paris, il publie plusieurs romans. Dans l'exercice de son métier, il découvre le milieu cinématographique et collabore à la rédaction de nombreux scénarios, tels que Entrée des artistes ou Remorques. Il signe sa première réalisation en 1942 pour la firme Continental, qui se spécialisait dans les adaptations littéraires « génératrices d'évasion », comme le stipulaient les dirigeants du studio. Il s'agira d'une adaptation modernisée de La Fausse Maîtresse de Balzac, avec Danielle Darrieux. Puis Cayatte enchaîne avec Au bonheur des dames (1943) d'après Zola, reconstitution assez minutieuse de l'univers des premiers « grands magasins », et, la même année, Pierre et Jean d'après Maupassant. Suivront une parenthèse avec Tino Rossi (Sérénade aux images, 1946) et un film-culte en deux époques pour amateurs de littérature de second rayon : Roger la Honte (1945) et La Revanche de Roger la Honte (1946) d'après Jules Mary. En 1948, le cinéaste tourne le film le plus marquant de cette première période, Les Amants de Vérone, libre adaptation de Roméo et Juliette dialoguée par Jacques Prévert. Le film s'inscrit dans le courant « noir » du cinéma français de l'après-guerre, où de fabuleux comédiens : Pierre Brasseur, Louis Lalou, Dalio, expriment leur « haine » d'un ordre social frelaté.
Un fait divers est à l'origine de Justice est faite qui traite de l'euthanasie et de la sélection des jurés de cour d'assises. Le film remporta la coupe Volpi au festival de Venise 1950. D'excellents comédiens ajoutaient à l'authenticité et à la générosité du réalisateur, encore peu manichéen. Deux ans après, il allait tourner un de ses films les plus célèbres, Nous sommes tous des assassins, et prendre ouvertement position contre la peine de mort, attitude certainement progressiste à cette époque. Primé au festival de Cannes, le film remporte un grand succès public. La machine dénonciatrice est en marche, mais le plaidoyer va vite tourner au système avec les films suivants : Avant le déluge (1953) sur la jeunesse des années 1950 ou Le Dossier noir (1955), annonciateur des films efficaces tournés par Boisset dans les années 1970, et Œil pour œil (1956) d'après Vahé Katcha. Toutes ces productions sont très soignées, remarquablement interprétées ; moralisatrices et peu nuancées, elles vaudront à André Cayatte d'être rangé parmi les cinéastes académiques par les futurs réalisateurs de la Nouvelle Vague. Il est indéniable que le système de production évoluait, et qu'un style comme le sien, qui avait d'abord produit une impression favorable, s'essoufflait en cette fin des années 1950, malgré la présence de comédiens comme Bourvil et Michèle Morgan dans Le Miroir à deux faces (1958) ou de Charles Aznavour dans Le Passage du Rhin (1960).
André Cayatte n'en poursuivit pas moins sa croisade contre les lenteurs d'une institution sclérosée (Le Glaive et la Balance, 1962). En 1967, grâce à la sincérité de Jacques Brel, il retrouve le succès avec Les Risques du métier. Trois ans plus tard, la polémique éclate à nouveau avec Mourir d'aimer, inspiré par l'affaire Gabrielle Russier. Le traitement est toujours aussi « direct » et sincère, et Annie Girardot s'investit totalement dans ce récit de l'amour[...]
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Écrit par
- André-Charles COHEN : critique de cinéma, traducteur
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