BOULLE ANDRÉ-CHARLES (1642-1732)
Critères d'attribution
En raison surtout de la fragilité de la marqueterie Boulle, il reste peu de meubles identifiables en comparaison des nombreuses pièces de mobilier réalisées pour les palais royaux. On peut reconnaître dans les deux commodes maintenant à Versailles les « bureaux » faits pour la chambre à coucher de Louis XIV à Trianon, pour lesquels Boulle fut payé en septembre 1708 et avril 1709. Le seul autre ouvrage qui peut lui être attribué avec vraisemblance est un secrétaire, actuellement au Louvre, surmonté d'une pendule portant les armes de Maximilien-Emmanuel. L'Électeur de Bavière est connu pour avoir été client de Boulle durant son exil en France (entre 1704 et 1715), à qui il rendit à nouveau visite à son atelier en 1723. Pour le reste, nous dépendons, pour reconnaître l'authenticité des meubles, du degré de ressemblance qu'ils ont avec les gravures ou les dessins de Boulle. Tel est le cas pour une grande armoire aux portes plaquées d'urnes et de fleurs (Louvre), pour deux autres, avec marqueterie d'écaille et de laiton (Louvre). Une armoire portant le monogramme de Louis XIV, conservée au Victoria and Albert Museum (Londres), peut sans doute lui être attribuée. Un miroir, ressemblant étroitement à l'une des gravures de Boulle, le revers plaqué d'une marqueterie Boulle d'une exceptionnelle beauté, conservé maintenant dans la collection Wallace (à Londres), est connu pour avoir été acheté au miroitier Delarue en 1713 pour la duchesse de Berry et peut, avec quelque raison, être estimé œuvre de Boulle. On a suggéré qu'une commode plaquée de marqueterie géométrique (Louvre) et présentant des poignées qui portent des rosaces de cinq feuilles de chêne est encore de Boulle, car les rosaces sont comparables à celles qui décorent les commodes du Trianon.
Bien que, dans la dernière partie de sa vie, il ait tenté d'adapter son style au nouvel art rococo, il était trop ancré dans les traditions antérieures (celles de la période Louis XIV) pour s'adapter avec facilité. L'essentiel de son œuvre est antérieur à 1700, et présente le caractère monumental que Le Brun imposait à tout l'ameublement de Versailles. Il y a quelque chose d'insolite dans la silhouette des commodes du Trianon et dans celle du bureau de l'Électeur : on y voit un essai de libération des formes classiques de Le Brun. Boulle fut néanmoins, avec Cressent, sous le règne de Louis XV, et Riesener, sous celui de Louis XVI, l'un des trois grands créateurs du mobilier de l'Ancien Régime. Son œuvre sera appréciée des collectionneurs tout au long du xviiie siècle. Quatre de ses fils : Jean-Philippe (vers 1680-1744), PierreBenoît (vers 1683-1741), André-Charles II dit « Boulle de Séve » (1685-1745) et Charles-Joseph (1688-1745), continuèrent à réaliser des meubles Boulle après la mort de leur père, mais aucun d'eux ne l'égalera : leurs œuvres sont inidentifiables aujourd'hui.
Des meubles à la manière Boulle continuèrent à être réalisés jusqu'à la Révolution, et l'engouement pour cette technique fut spécialement marqué sous le règne de Louis XVI. Les ébénistes de la fin du xviiie siècle – tels Montigny, Levasseur, Jacob et Carlin – travaillèrent tous selon la même technique. Comme ils copiaient étroitement les motifs d'André-Charles, il devint parfois impossible de distinguer aisément les meubles Boulle de la fin du xviiie siècle de ceux qui avaient vu le jour sous Louis XIV. L'ameublement Boulle devint à nouveau populaire sous Louis-Philippe et le second Empire. Beaucoup des meubles réalisés alors sont d'une facture maladroite, manquent du sens de la proportion et témoignent d'une certaine inhabileté dans les incrustations de laiton. De surcroît, l'écaille teinte en rouge (rarement adoptée aux [...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Francis John Bagott WATSON : directeur de la Wallace Collection, Londres.
Classification
Médias
Autres références
-
MARQUETERIE
- Écrit par Catherine ROSEAU-LÉVESQUE
- 3 418 mots
- 2 médias
...création, en 1662, de la Manufacture royale des meubles de la Couronne, par Louis XIV. Cette nouvelle impulsion technique et artistique est liée au nom d' André-Charles Boulle qui exerça son influence sur l'Europe entière. Boulle, ainsi que les autres marqueteurs français, utilisa beaucoup l'incrustation... -
MÉTAL ARTS DU
- Écrit par Catherine ARMINJON
- 11 108 mots
- 2 médias
...garnissent de décors de bronze, la manufacture de la Couronne fournit pour les résidences royales des boutons de porte, des palâtres, des entrées de serrure ; André-Charles Boulle loge aux galeries du Louvre et, en 1672, il se spécialise dans la marqueterie d'étain et d'écaille tout en employant de nombreux... -
MONTIGNY PHILIPPE CLAUDE (1734-1800)
- Écrit par Colombe SAMOYAULT-VERLET
- 139 mots
Fils de Louis Montigny, ébéniste du faubourg Saint-Antoine, Philippe Montigny, reçu maître en 1766, se fit une spécialité des meubles imitant les meubles de Boulle. On assiste, en effet, à la fin du xviiie siècle, à un renouveau de la mode des meubles d'ébène à marqueterie d'écaille...