CHOURAQUI ANDRÉ (1917-2007)
C'est l'Algérie qui voit naître André Chouraqui le 11 août 1917 à Aïn-Témouchent, non loin d'Oran. Issu d'une famille de la bourgeoisie juive, il sera profondément marqué par l'Afrique du Nord de l'époque, le monde séfarade, la familiarité quotidienne avec la culture et la langue arabes, avec aussi son lot d'incompréhensions. Comme il l'écrira plus tard dans La Reconnaissance (1992), cet univers porte en germe son destin futur d'écrivain et d'homme d'action : « Assis sur le pas de ma porte, au coin de la rue Pasteur et du boulevard de la Révolution, à Aïn-Témouchent en Algérie alors française, je ne me lassais pas d'observer sur les visages les syndromes des méconnaissances dans notre petite ville. La haine ou le mépris du chrétien, du musulman ou du juif nous séparait les uns des autres, précisément ce qui eût dû nous réunir étroitement, nos religions nées de la Bible, des Évangiles ou du Coran, annonciateurs d'un même Dieu d'unité et d'amour. » Ces lignes disent tout du combat d'André Chouraqui, d'une existence mêlée à celle du peuple juif, habitée du souci de la paix entre les religions et du sens des grands textes sacrés. André Chouraqui s'est éteint en juillet 2007 à Jérusalem, où il était installé depuis près de cinquante ans.
Ses années de formation vont le conduire avant guerre en France métropolitaine, où il étudie à la fois le droit et l'hébreu. Du premier cursus, il va garder la clarté et l'élégance de la langue française, pour mieux préparer le métier d'avocat, puis celui de juge de paix qu'il exercera en Algérie juste après la Libération. Du second, un retour aux racines juives doublé d'une expérience spirituelle, nourrie en particulier à la lecture de la Bible. À l'époque où s'abattent les persécutions antisémites, André Chouraqui va s'engager dans la Résistance et se réfugier dans le Massif central, près du Chambon-sur-Lignon. Ce sera l'occasion pour lui de nouer de nombreux liens avec des personnalités comme Jules Isaac ou avec les milieux chrétiens, notamment protestants.
Abandonnant à la fin de 1947 la carrière de magistrat, il est engagé par René Cassin à l'Alliance israélite universelle (A.I.U.). Il va participer à l'aventure de la renaissance d'Israël, thème auquel il consacre en 1949 sa thèse de droit public, La Création de l'État d'Israël, devenant progressivement aussi à travers le monde une sorte d'ambassadeur du judaïsme. En 1952, il est nommé délégué permanent de l'A.I.U. Cette position internationale lui vaut de faire de nombreuses rencontres et de donner de multiples conférences. Le diplomate, qui œuvre par exemple pour la reconnaissance de l'État hébreu par le Vatican, se double d'un vrai pédagogue. À l'instar d'un André Neher, il s'emploie à faire connaître l'univers du judaïsme à ses contemporains, comme en témoignent ses livres sur L'État d'Israël, La Pensée juive et L'Histoire du judaïsme (1955). Avant tout, André Chouraqui voit dans le peuple juif celui de la Torah, créateur de l'exégèse et non pas d'abord de dogmes théologiques. Cet engagement prendra aussi une dimension très concrète lorsqu'il sera conseiller de David Ben Gourion au sein de son gouvernement, de 1959 à 1964. Membre du Parti travailliste, il est élu sur la liste de Teddy Kollek et restera maire-adjoint de Jérusalem de 1965 à 1973.
Au-delà, pourtant, de son engagement au côté de l'État d'Israël et du judaïsme, André Chouraqui se montre aussi un artisan inépuisable de la paix et du dialogue entre les trois monothéismes. Ainsi, il rencontre quatre papes au cours de sa vie, de Pie XII à Jean-Paul II, assiste à certaines séances du deuxième concile du Vatican et[...]
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Écrit par
- Marc LEBOUCHER : directeur éditorial, éditeur
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