CITROËN ANDRÉ (1878-1935)
Ancien élève de l'École polytechnique, André Citroën commence sa carrière de mécanicien et d'animateur — certains le qualifieront plus tard de joueur — en fondant à Paris, à l'âge de trente-cinq ans, la Société des engrenages Citroën pour l'exploitation d'un brevet polonais sur la taille des engrenages à denture en chevron. En l'espace de quatre ans, la petite entreprise voit ses ventes multipliées par dix et André Citroën sera sollicité par Škoda, qui veut exploiter son brevet en Europe centrale. Sa réputation d'organisateur commence à s'établir et la Société des autos Mors fait appel à lui pour réanimer l'entreprise ; la production annuelle de Mors passera de cent vingt-cinq à douze cents véhicules par an, en dépit de méthodes de production extrêmement artisanales — il est vrai qu'elles sont d'ailleurs communes à toute la construction automobile européenne de cette époque ; Citroën gardera le souvenir de son passage chez Mors lorsqu'il créera sa propre usine. En 1915, il s'engage envers le général Baquet, directeur de l'Artillerie, à construire une usine capable de produire 20 000 obus par jour et à en assurer l'approvisionnement en matières premières. En six semaines, l'usine du quai de Javel est construite sur l'emplacement d'anciens terrains maraîchers et sa production atteindra le double du chiffre initialement annoncé. Citroën reçoit dès lors la responsabilité de l'approvisionnement en charbon et en matières premières de toutes les usines travaillant pour la Défense nationale.
À la fin de la Première Guerre mondiale, Citroën peut enfin donner libre cours à son vieux rêve, celui de fabriquer une voiture populaire, véhicule qui n'existe pas encore en France et dont il est à peu près le seul à pressentir l'avenir. À partir des installations du quai de Javel, dont il garde la disposition et qui sont aisément reconvertibles dans une production civile, il lance en juin 1919 le modèle A, torpédo d'une puissance de 8 CV, dont la réalisation entière (bois, tôle, émail) sera effectuée à Javel et non plus dispersée entre des façonniers spécialisés. Ce modèle comporte un démarrage et un éclairage électriques, un volant à gauche et le symbole stylisé du double chevron polonais qui reste jusqu'aujourd'hui la marque de tous les véhicules de la firme. Après le type A de 1919, Citroën lance la B2 en 1921, la B10 en 1924 puis la B12 en 1925. La production de la firme passera de cent véhicules par jour en 1919 à trois cents véhicules en 1923. En 1922, la production des usines Citroën débordera du quai de Javel pour s'étendre à Clichy, Levallois, Saint-Ouen, tandis que les méthodes de Ford (construction en série, standardisation des pièces) sont appliquées aux ateliers du quai de Javel.
Cette période est également celle des grandes croisières Citroën, dont l'effet publicitaire sera énorme et qui, sur le plan technique, démontra la validité du véhicule « tout terrain » semi-chenille : traversée du Sahara de Touggourt à Tombouctou en 1922-1923 ; première traversée de l'Afrique de Colomb-Béchar à Tananarive en 1924 (croisière Noire) ; traversée de l'Asie de Beyrouth à Pékin par l'Himalaya et le désert de Gobi en 1931-1932 (croisière Jaune), au cours de laquelle le R.P. Teilhard de Chardin étudie la géologie des déserts de l'Asie centrale ; traversée de l'Amérique du Nord entre Chicago et l'Alaska en 1934 (croisière Blanche). C'est aussi l'époque des grandes illuminations de la place de la Concorde et de l'Arc de triomphe, offertes à la Ville de Paris, et de la publicité lumineuse sur la tour Eiffel en lettres de trente mètres de haut. Les initiatives de Citroën peuvent également être moins spectaculaires, sans pour autant cesser d'être originales et novatrices : application du système d'échange standard des moteurs,[...]
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Écrit par
- Jean-Pierre LÉVIS : auteur
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