COMTE-SPONVILLE ANDRÉ (1952- )

Sous le signe de Spinoza

Mais trois différences majeures séparent leurs philosophies. La première est la filiation spinoziste dont s’est longtemps réclamé André Comte-Sponville, alors que Marcel Conche n’a admis timidement sa proximité avec Spinoza que dans Présence de la nature (2001). La seconde est la référence au bouddhisme qui s’est accentuée au fil des années chez notre philosophe et qui n’apparaît nulle part chez Marcel Conche, à l’exception de son livre peut-être le plus contestable, Nietzsche et le bouddhisme (1997). Enfin, la troisième consiste en la volonté conchienne de bâtir une métaphysique de la nature qui serve de fondement à l’édification d’une morale rigoureuse. Il n’est toutefois pas interdit de penser que, si Comte-Sponville ne s’est pas aventuré sur le terrain métaphysique, outre son manque d’appétence pour cette dimension de la philosophie, c’est peut-être que celle qu’il aurait pu proposer et qui aurait soutenu son éthique avait déjà été construite par Marcel Conche et que s’y risquer après lui n’avait guère d’intérêt.

André Comte-Sponville a défini lui-même sa philosophie comme un « insistantialisme ». Une notion qu’il explicite en ces termes : « L’homme n’est pas un empire dans un empire, ni un néant dans l’être. Il est ce qu’il est, il fait ce qu’il fait […] L’insistantialisme, si vous me passez le mot, n’est pas un humanisme […] c’est d’abord un naturalisme, c’est d’abord une pensée de l’être, de la puissance, du devenir » (L’Être-temps. Quelques réflexions sur le temps de la conscience, 1999). Si le philosophe moral a échoué à faire entrer ce terme dans le langage, il reste celui qui a sans doute rempli, mieux qu’aucun de ses contemporains, le programme tracé par Pierre Hadot qui vise « une métamorphose totale de la manière de voir le monde et d’être en lui ».