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DALMAS ANDRÉ (1909-1989)

La vie d'écrivain d'André Dalmas est simple et mystérieuse à la fois. Elle prend au sérieux l'enfance et l'adolescence, où apparaît l'essentiel, et sur lesquelles ses récits ne cessent de revenir. Ce souci est déjà présent dans sa biographie du mathématicien Évariste Galois, mort en duel en 1832, républicain ardent, maître énigmatique de l'analyse, que sa mort prématurée transforme en éternel adolescent, et dont une œuvre peu volumineuse suffit à assurer le renom.

L'école, les écoles jouent d'ailleurs dans les récits d'André Dalmas un rôle important, depuis la « gouvernante de dix-huit ans », qui enseigne à l'enfant la grammaire et les mathématiques (Histoire d'écrire) jusqu'à l'École nationale des ponts et chaussées mentionnée dans le même récit (et où Dalmas fit lui-même des études brillantes), en passant par le collège Stanislas où l'enfant sera pensionnaire dès l'âge de onze ans, collège évoqué dans L'Arrière-Monde, sans oublier les institutions plus fictives comme le lycée où enseigne la charmante Thérèse Spencer du même récit. Ce qu'incarne l'écolier studieux, outre l'inoubliable apprentissage des rudiments du calcul et de l'écriture, c'est une disponibilité rêveuse, l'attirance pour les mystères de l'autre sexe et de l'amour physique, et le sentiment d'une solitude quasi absolue, blessée, que l'on dirait désespérée si l'enseignement religieux jadis reçu, le charme des chants et de la latinité de l'Église, et une sorte de grâce ne gardaient à jamais ouvert, pour l'adulte, l'horizon d'un recours.

Ce cadre demeurera inchangé à travers les occupations diverses d'une vie : André Dalmas sera d'abord ingénieur à la S.N.C.F. et n'oubliera pas de quel prix, de quelle lourdeur des matériaux, de quels « ballasts » se paie la légèreté des constructions. Muté au Niger pendant l'Occupation, pour un séjour interrompu, il est frappé par la tension coloniale, sexuelle, politique, que laisse entrevoir un territoire soumis à la dure loi du travail forcé. C'est en 1963 qu'il sera avec Marcelle Fonfreide le fondateur des cahiers du Nouveau Commerce, où s'affirme la croyance au possible maintien de l'art d'écrire, dans la suite du Commerce de l'entre-deux-guerres. Il suffira de citer quelques noms présents au sommaire : Jean Paulhan, Maurice Blanchot, Pierre Klossowski, Emmanuel Levinas, pour témoigner de la parfaite réalisation de ce souhait.

Un autre mérite de ces cahiers aura été de pousser André Dalmas lui-même à publier, en particulier, les textes courts et parfaits regroupés pour la plupart sous le très beau titre Le Musée de la parole. Il existe à Paris un tel musée, qui dépend de l'Institut de phonétique. Celui qu'imagine l'écrivain, et dont chaque texte est comme l'une des vitrines, capte sans l'immobiliser le mystère de l'écriture, par des phrases d'une simplicité trompeuse, animées de décalages légers, d'illogismes à peine décelables. « C'est un trait discontinu qui me porte », disait déjà le narrateur d'Histoire d'écrire.

À l'écoute des phrases qu'il se voit inventer, l'écrivain apprend désormais à reconnaître dans le mystère de la vie l'effet de ces scansions mêmes qui organisent l'écriture : « Le silence dans la chambre était un silence particulier, semblable à celui qui, en les confondant, sépare les parties du discours. » Ses dernières années, vécues sous la menace d'infarctus répétés qui, en fragilisant sa vie, la ramenaient à la pureté de sa source, le voient alléger encore l'énigme de son écriture. Il apprivoise la mort, joue avec elle comme avec l'idée de sa propre disparition, sans peur ni bravade, comme un enfant jouerait calmement avec un tigre.[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences à l'université de Paris-VII-Denis-Diderot

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