RICHAUD ANDRÉ DE (1909-1968)
Les premières années de la vie d'André de Richaud, qui naît en 1909 à Perpignan, se passent à Nîmes, où son père enseigne l'histoire. La guerre éclate. M. de Richaud, mobilisé, est tué peu après. Sa veuve vient alors vivre avec André à Althen-les-Paluds, village du comtat Venaissin. Non loin de là se trouve la poudrerie nationale de Sorgues, où des Anamites et des Sénégalais fabriquent des gaz toxiques et des munitions. Du comtat, Richaud aime le vent glacé, les orages romantiques, dévastateurs. En 1923, sa mère meurt. Tout est déjà joué pour l'adolescent qui ne parviendra jamais à combler cette double carence affective. Élève au lycée de Carpentras, il poursuit à la faculté d'Aix-en-Provence des études de philosophie et de droit. Tout le destine à l'enseignement, à ceci près qu'il n'en a pas la vocation. En 1927, il publie un essai : Vie de saint Delteil, qui fait grand bruit à Paris. De passage à Aix, François Mauriac conseille à Richaud de relater, sous forme de roman, la douloureuse expérience qu'il a vécue : mort du père, « trahison » de la mère. Ce sera La Douleur (1930), histoire d'un adolescent sans père, en proie aux émois de la puberté, « trahi » par sa mère qui lui retire (du moins le croit-il), au profit d'un officier allemand prisonnier, la tendresse trop cajoleuse qu'elle lui témoignait. Pour le milieu littéraire parisien et aixois, il est hors de doute que l'on se trouve devant un authentique écrivain. Beau, grand, brillant orateur, Richaud, assis à une table du café des Deux Garçons, « raconte » Paris à un cercle d'admirateurs. Tout en menant une vie dissipée, il travaille beaucoup et donne, de 1927 à 1939, l'essentiel de son œuvre, notamment de très beaux romans : L'Amour fraternel, La Barrette rouge, La Fontaine des lunatiques. Il écrit une langue souple, sensuelle, il décape les mots ternis par l'usage. Cela le mène tout naturellement au théâtre. En 1931, Dullin met en scène Village à l'Atelier et Le Château des Papes l'année suivante. Suivront : L'Homme blanc, Hécube, d'après Euripide, mis en scène par Herrand et Marchat au Rideau de Paris. Georges Pitoëff meurt pendant qu'il préparait Alaska.
En 1939, André de Richaud est affecté au deuxième bureau, à l'École militaire. Il a tôt fait d'en transformer la cantine en club littéraire, et la hiérarchie, sagement, l'envoie à Montélimar. « Sur le front du nougat », dira-t-il. Le moins que l'on puisse dire est que la tentation de l'héroïsme ne l'effleure pas. Une première guerre lui a pris son père, la seconde ne le concerne pas. Mais un complexe de culpabilité le mine, entraînant un processus d'autodestruction par l'alcool. En 1944, quand paraît La Nuit aveuglante, on retrouve l'écrivain visionnaire, le prosateur incomparable, mais on décèle aussi les ravages de l'alcool. En 1954, le prix Apollinaire, décerné pour un recueil de poèmes, Le Droit d'asile, rappelle que Richaud vit encore. Puis, de nouveau, le silence. En 1965, un éditeur courageux, Robert Morel, publie un petit livre relié de noir, à la couverture étrangement grillagée. Il a pour titre Je ne suis pas mort et vaut à Richaud le prix Roger-Nimier. L'intelligentsia et le Gotha résidant sur la Côte d'Azur se précipitent pour voir, à l'hospice des vieillards de Vallauris où il a une chambre, l'enfant choyé des années 1930. La vague d'écume du snobisme déferle et se retire. Ceux qui pourraient tenir à Richaud le dur langage de la vérité : Dullin, Jeanne et Fernand Léger, Jouvet, ne sont plus là. Il quitte Vallauris pour Notre-Dame-de-la-Rouvière où il meurt, en septembre 1968, laissant un livre inachevé. Né en pays cathare, accordé à la Provence hellénique, visionnaire, dionysiaque, Richaud n'a pas marqué le siècle par sa pensée, mais[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Renée SAUREL
: journaliste, critique dramatique de la revue
Les Temps modernes
Classification