DESTOUCHES ANDRÉ cardinal (1672-1749)
Compositeur français, né et mort à Paris, dont le style à la fois prolonge celui de Lully et de Campra et annonce celui de Rameau et de Gluck. Avec son maître Campra, Destouches est l'un des créateurs de l'opéra-ballet (L'Europe galante, 1697). « Musicien du sentiment », selon Paul-Marie Masson, « sa gloire, c'est son récitatif mélodique », qui est un véritable chant, en quoi il conduit aussi à Rameau et préfigure, très longtemps à l'avance, le Pelléas et Mélisande, de Debussy, qui est un vaste récitatif. Destouches fut d'abord mousquetaire du roi, après avoir accompagné des pères jésuites en mission au Siam, lorsqu'il avait quinze ans. Dans les bivouacs de l'armée, il écrit sur la guitare des Airs sérieux et à boire, ce qui lui vaut d'être remarqué par les princes de Conti et de Vendôme. Il quitte l'armée en 1694, et devient l'élève de Campra. La première œuvre pour la scène, la pastorale héroïque, Issé (1697), est écrite à l'occasion du mariage du duc de Bourgogne avec Adélaïde de Savoie ; la cour et la ville l'accueillent avec un enthousiasme ravi ; Louis XIV est enchanté et affirme n'avoir rien entendu depuis Lully qui lui ait « fait tant de plaisir ». En 1713, Destouches assume les fonctions d'inspecteur général de l'Académie royale de musique ; il occupe ce poste jusqu'en 1728, date à laquelle il est nommé directeur de ladite académie. Après la mort de Louis XIV, il écrit de la musique d'église pour le régent ; malheureusement, les motets de Destouches n'ont pas été retrouvés (O dulcis Jesu, 1716 ; Te Deum, 1732 ; De profondis, 1735 ; Diligam te et Deus, Deus meus, 1736 ; O Jesu, 1738). Après avoir, en 1718, acheté la charge de surintendant de la Musique, Destouches en devient le titulaire officiel en 1726, après la mort de Campra, en même temps que Colin de Blamont. En 1721, il compose, avec Delalande, l'opéra-ballet Les Élémens. En 1727, il est maître de la musique de la chambre du roi et, l'année suivante, directeur de l'Opéra. À côté de ces importantes et nombreuses charges, il s'occupe des concerts de la reine Marie Leczinska ; il fonde un Concert spirituel analogue à celui de la ville. De ses compositions profanes, d'inégale valeur, à côté de Amadis de Grèce, de Marthésie, reine des Amazones (1699), Omphale (1701), Le Carnaval et la Folie (1704, l'une des très rares comédies lyriques de ce temps), Télémaque (1714), Sémiramis (1718), retenons surtout Callirhoé (1712) qui est sans nul doute son chef-d'œuvre lyrique. On peut encore citer un divertissement, Le Professeur de folie (1711) et un opéra-ballet, Les Stratagèmes de l'Amour (1726).
S'il n'a pas la facilité de Campra pour élaborer de nobles ensembles polyphoniques, ou pour conduire d'amples développements, en revanche, il conserve peut-être de sa jeunesse aventureuse cette élégance qui lui fait trouver une mélodie à la fois ravissante, concise, et où fourmillent nuances et subtilités délicates. Contrairement à Campra, et comme Lully, il refuse l'apport italien (qu'il connaissait certainement assez mal) ; il ne l'utilise que dans le parodique. Avant tout, c'est un coloriste raffiné, un harmoniste audacieux (septièmes de dominante sans préparation, quintes parallèles, retards imprévus). « Plus dégagé des conventions de l'époque, il a des trouvailles harmoniques, comme celles du début de l'air de Leucosie, dans Les Élémens, qui sont uniques à son époque. Il est le musicien le plus original, le plus séduisant, et, en un sens, le plus complet de cette époque » (Masson). Dans l'ouverture de la comédie lyrique Le Carnaval et la Folie, Destouches innove en introduisant quelques thèmes que l'action développera ; il faut attendre le Zoroastre[...]
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Écrit par
- Pierre-Paul LACAS : psychanalyste, membre de la Société de psychanalyse freudienne, musicologue, président de l'Association française de défense de l'orgue ancien
Classification
Autres références
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BOUFFONS QUERELLE DES
- Écrit par Jacques GHEUSI
- 1 976 mots
...philosophe récemment arrivé d'Allemagne, venait de publier une lettre qui avait fait grand bruit, à propos de la reprise à l'Opéra d'une tragédie lyrique de Destouches, Omphale : il soulignait les faiblesses de l'opéra français par rapport à l'opéra italien. Cette critique avait provoqué de violentes attaques...