MARTY ANDRÉ ÉDOUARD (1882-1974)
Les dessins d'André Marty, petit maître de l'illustration de mode, appartiennent à l'esthétique Art déco, mais sa vision personnelle, appliquée et pleine de bienveillance pour les jolies femmes et les enfants élégants, fait de lui un artiste très attachant. Son sens inné de la mesure et du bon ton l'oppose aux excès stylistiques et aux sophistications érotiques d'un Barbier ou d'un Erté, ses contemporains.
Après une enfance paisible et choyée, André Marty s'oriente vers une carrière universitaire sans péripéties. Ayant passé sa licence en philosophie, il s'accorde des vacances en Italie et commence à dessiner quelques compositions, inspirées par Venise et par la Toscane.
De retour à Paris, décidé à tenter une carrière artistique, il entre à l'École des beaux-arts dans l'atelier de Cormon. Célèbre pour ses grandes scènes préhistoriques, le maître encourage libéralement ses disciples à cultiver leur individualité.
C'est plutôt l'influence des illustrations enfantines de Maurice Boutet de Monvel qu'avouent les premiers albums (non publiés) de Marty : « Mes Animaux » et « Chansons en forme de canon ».
À l'instar de ses confrères illustrateurs, Marty reçoit bientôt des commandes d'éditeurs, de directeurs de revues soucieux d'affirmer un style séduisant mais respectant prudemment le classicisme souhaitable pour un public peu familiarisé avec les audaces des fauves et des cubistes. Les illustrations exquises de Marty pour Comoedia illustré (1909), et plus tard pour L'Illustration des modes ou Fémina, satisfont pleinement à cette esthétique, sans renoncer à une note personnelle d'humour facétieux, comme lorsque l'artiste dessine Isadora Duncan avec sa petite école de mignonnes fillettes joufflues bondissant en liberté sur le gazon...
Collaborateur fidèle de La Gazette du bon ton, Marty se voit confier la reproduction de robes de Poiret, de Lanvin. C'est surtout pour les modèles de Lanvin qu'il donne ses illustrations les plus caractéristiques, qui associent de jeunes mères de famille attentives et des enfants sages et soignés. Cet amour des vertus du foyer, Marty l'exprime également à travers les illustrations qu'il donne pour Vogue, pour Harper's Bazaar. Il est un des rares dessinateurs qui auront l'occasion de travailler pour ces deux revues concurrentes.
Très fidèle au couturier Paul Poiret, Marty illustre ses robes avec une charmante espièglerie : dans un paysage champêtre une jeune citadine en fragile robe estivale, juchée sur un escabeau, contemple non sans inquiétude un troupeau d'oies menaçant ; une jeune fille, sautant à la corde, effectue fièrement une passe acrobatique intitulée « vinaigre ». Marty illustre aussi pour des petites revues de luxe, les fastes de Poiret (« À l'oasis », 1919), et montre ainsi son talent de chroniqueur graphique. Pour la revue Modes et manières d'aujourd'hui (1919), il donne d'irrésistibles vignettes, qui évoquent les fêtes costumées insolites, alors à la mode, ou même le cinéma de Charlie Chaplin.
Dans un registre parallèle, Marty travaille pour des ouvrages littéraires (Scènes mythologiques de Henry de Régnier, 1924) et aborde les évocations sensuelles, sans rien perdre de sa distinction (Les Chansons de Bilitis, de Pierre Louÿs, 1937).
Le théâtre, le cinéma l'occupent épisodiquement : ses décors et costumes destinés au spectacle Le Grand Nom (1912), parodie malicieuse du style géométrique des Munichois, constituent un intéressant manifeste esthétique dans le contexte des polémiques sur la modernité. Marty est également l'auteur de la première affiche des Ballets russes (1910) auxquels il restera très attaché, donnant notamment des illustrations des danses de Karsavina.
Malgré l'éclectisme apparent de son style, le climat[...]
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Écrit par
- Guillaume GARNIER : conservateur du musée de la Mode et du Costume, palais Galliera
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