FRANQUIN ANDRÉ (1924-1997)
Comme l'autre grand nom de la bande dessinée belge, Hergé, c'est dans la commune bruxelloise d'Etterbeek qu'est né André Franquin, le 3 janvier 1924. Il est engagé en 1944 par un studio de dessins animés, où il fait la connaissance de Morris et Peyo, les futurs créateurs, respectivement, de Lucky Luke et des Schtroumpfs. Grâce à l'amitié de Jijé (Joseph Gillain), alors pilier du journal Spirou, Franquin et Morris livrent à partir de 1946 à cet hebdomadaire (où Peyo les rejoindra en 1952) leurs premières bandes dessinées. En 1948-1949, Franquin se joint à Jijé et Morris pour un long périple aux États-Unis et au Mexique. Sous la houlette de Jijé se constitue l'« école de Marcinelle » (du nom du faubourg de Charleroi où se trouve le siège du journal) ; ses membres ont en commun un sens du mouvement (hérité de leur formation dans le dessin animé) et le goût du détail graphique qui ajoute au comique (Franquin ira jusqu'à introduire à l'intérieur de chacune de ses signatures, en bas de planche, un gag en rapport avec l'histoire). Au contraire, dans Tintin, principal concurrent de Spirou, s'épanouit au même moment autour d'Hergé un graphisme réaliste, plus épuré et plus statique, celui de l'« école de Bruxelles ».
De Spirou à Gaston Lagaffe
André Franquin n'a que vingt-deux ans quand Jijé lui abandonne la principale bande dessinée du journal Spirou, créée en 1938 pour le lancement de l'hebdomadaire par le Français Rob-Vel (Robert Velter). En 1946, succédant donc à Rob-Vel et à Jijé, André Franquin est chargé de la série Spirou et Fantasio, qu'il animera jusqu'en 1968. Aux deux héros, les journalistes Spirou et Fantasio, et à leur écureuil, Spip, il ajoute des personnages secondaires qui deviennent essentiels, comme le comte de Champignac (1951), savant génial, son double maléfique, Zorglub (1959), et surtout le Marsupilami (1952), animal fabuleux, originaire de Palombie – État fictif d'Amérique du Sud ; il est à la fois mammifère et ovipare, comme le révèle l'épisode Le Nid des marsupilamis.
Lassé des contraintes d'une série qui n'est pas tout à fait la sienne (« À la longue, je me suis rendu compte qu'on ne travaille et qu'on ne s'amuse bien qu'avec les personnages qu'on a créés », déclara-t-il), André Franquin, parallèlement à Spirou et Fantasio, réalise d'autres bandes. De 1955 à 1959, à la suite d'un différend avec son éditeur, Dupuis, il livre à l'hebdomadaire rival Tintinla série Modeste et Pompon, gags en une page – imaginés souvent par Greg ou René Goscinny – sur la vie quotidienne de deux jeunes gens. En 1957, il crée le héros – ou plutôt l'antihéros – qui lui apportera la célébrité, Gaston Lagaffe, garçon de bureau (fictif !) du journal Spirou. À travers ce personnage aux inventions farfelues, qui introduit parmi des employés surmenés et pénétrés de l'importance de leur travail une vision ludique et poétique de l'existence, André Franquin brosse un tableau ironique non seulement du journal pour lequel il travaille, mais aussi du monde de l'entreprise, de son culte de la productivité et de la rentabilité. Il laisse deviner son intérêt pour l'écologie, sa sympathie pour les marginaux, son aversion pour l'autoritarisme, sa conception anarchisante de la vie en société. Ces idées, plutôt audacieuses dans un hebdomadaire pour enfants marqué par ailleurs par une idéologie conservatrice, peuvent s'exprimer grâce à la complicité d'Yvan Delporte (1928-2007), qui fut, de 1955 à 1968, un rédacteur en chef à l'anticonformisme rare dans ce secteur de l'édition.
André Franquin se livre plus clairement dans Idées noires, une série, très adulte dans le ton, née en 1977 dans Le Trombone illustré (supplément[...]
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Écrit par
- Dominique PETITFAUX : historien de la bande dessinée
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