HELLÉ ANDRÉ (1871-1945)
Peintre et dessinateur parisien qui a évoqué son enfance dans les Souvenirs d'un petit garçon (Berger-Levrault, 1942), Hellé fut aussi décorateur de théâtre et dessinateur d'albums pour enfants. Il collabore à plusieurs revues illustrées (L'Assiette au beurre, Le Cri de Paris, Fantasio, Graphic...) et imagine même des modèles de chambres d'enfants édités par Le Printemps. Il fait partie de cette génération d'« artistes-artisans » qui, après la Première Guerre mondiale, se démarquent de leurs aînés, à la fois par un graphisme moderne et une exploitation de techniques anciennes comme le coloriage au pochoir. Plus que par sa participation aux Salons, il est connu pour ses contributions audacieuses au livre d'enfant qui devient un terrain d'élection pour quelques éditeurs tels que Berger-Levrault ou Émile-Paul : L'Alphabet de la Grande Guerre (Berger-Levrault, 1915) renoue avec la veine de l'image d'Épinal aux coloris francs. En prenant comme modèle les jouets de bois peint, chers au folklore d'Europe centrale, Hellé suit un courant adopté par certains artistes de la Sécession viennoise tandis que le découpage des formes en volumes simplifiés est influencé par le cubisme. Ces deux sources d'inspiration se retrouvent dans ses fantaisies sur le mouvement animé (Films pour tout-petits ou Les Facéties de Topsy chien mécanique, 1931). C'est surtout la maison Tolmer, imprimerie spécialisée dans la mise en œuvre graphique de la publicité artisanale de luxe, qui offre à ses dessinateurs la possibilité de s'exprimer en toute liberté — ce qui aboutit à l'édition de quelques livres d'images hors du commun. Le Petit Elfe Ferme-l'Œil (Tolmer, 1924), d'après le conte d'Andersen, se présente sous forme de feuillets détachés dans un coffret, reprenant en miniature les décors créés par Hellé pour le ballet de Florent Schmitt à l'Opéra-Comique.
Dans Drôles de bêtes (Tolmer, 1935), album grand format imprimé en lithographie et au pochoir, Hellé présente des animaux stylisés où l'image encadrée d'un épais filet noir trouve un contrepoint visuel dans le commentaire dessiné en fine écriture scripte. Dès ses premières créations pour les jeunes enfants, l'artiste, suivant en cela la voie tracée par l'Anglais Walter Crane, pense l'album comme un tout et associe l'image à la typographie : les gros caractères bâtons pour le titre (L'Arche de Noé, Garnier, 1926) équilibrent la masse de l'image principale tandis que les croquis humoristiques à la plume placés dans le texte complètent la symétrie de la mise en pages.
Dans le traitement anticonformiste du sujet, Hellé construit une imagerie personnelle à la fois allusive et très lisible. Que ce soit par le jeu avec les formes et les couleurs (La Boîte à joujoux, fable sur le monde des jouets, Tolmer, 1926 — une édition somptueuse de ce ballet pour enfants de Debussy avait paru en 1919 chez l'imprimeur de musique Durand, en format oblong) ou par l'accentuation délibérément provocante des anatomies animales (le crocodile articulé, dans Drôles de bêtes), l'illustrateur exploite avec diversité ses dons ludiques pour élaborer un style apparemment désinvolte, dépouillé, élégant et coloré.
Son goût de la parabole visuelle trouve un emploi naturel dans l'illustration des fables (Fables des quatre jeudis, Fables de La Fontaine, de Florian, Les Douze plus Belles Fables du monde...). Là il peut traiter avec espièglerie des sujets sérieux. La pertinence des choix iconographiques actualise le propos dans Les Singes et le Léopard (Fables de Florian, Berger-Levrault, 1936) : les singes naïfs de la vignette d'introduction deviennent des paysans noirs fuyant la fausse bonhomie du conquérant, dans la vignette de conclusion, apologue visuel conférant à la fable[...]
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Écrit par
- Laura NOESSER : conservateur des bibliothèques
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