HUNEBELLE ANDRÉ (1896-1985)
N'étant certes pas un auteur de films, au sens « valorisant » que ce terme a pris au temps de la Nouvelle Vague – une nouvelle vague qu'il a côtoyée sans en rien connaître, mais sans en souffrir –, André Hunebelle a, pendant trente ans, fabriqué des spectacles cinématographiques visant et atteignant un public populaire qui ignorait généralement et son nom et son rôle. Il a entretenu aussi longtemps qu'il a été possible un cinéma de genres, en sachant tirer parti d'une tradition du roman populaire (sur des sujets empruntés à Alexandre Dumas, à Paul Féval ou à Souvestre et Allain) qui a composé la culture élémentaire, unifiante, de plusieurs générations. Son habileté a été de faire endosser la livrée de Planchet (Les Trois Mousquetaires, 1953) à Bourvil, de confier à Jean Marais les épées de Lagardère (Le Bossu, 1960) ou de François de Capestang (Le Capitan, ibid.), de confronter Louis de Funès, en commissaire Juve, à Jean Marais, de nouveau, cette fois drapé dans la cape de Fantômas (1964) : il a fait un cinéma d'acteurs, pour des spectateurs qui aimaient ces acteurs.
Né en 1896 à Meudon (Hauts-de-Seine), André Hunebelle est venu tard au cinéma, après avoir été maître verrier. En 1941, il devient producteur de films sous le label P.A.C. Il débute en produisant, dans la zone encore non occupée de la France de Vichy, un mélodrame écrit pour Viviane Romance, Feu sacré, mis en scène par Maurice Cloche. Cinq films suivent entre 1942 et 1948. À partir de cette date, il assure lui-même la réalisation des films qu'il produit. Il s'entoure de collaborateurs qui lui restent fidèles, comme son propre fils, le scénariste Jean Halain (qui débute dans une production P.A.C. de 1945, Leçon de conduite, de Gilles Grangier), comme Michel Audiard, qui écrit son premier scénario en 1949 avec Mission à Tanger. Dans les années 1950, il est un de ceux qui savent tirer parti de l'ouverture du marché aux coproductions franco-italiennes, et collabore fréquemment avec la Da-Ma cinematografica romaine. André Hunebelle n'a jamais rien inventé. Mais il a su fournir au public des salles obscures, au public du samedi soir, les divertissements dont il avait besoin. En 1943, il produit pour des Français en manque de comédies américaines un ersatz, L'Inévitable M. Dubois, dont le titre même sonne comme un écho aux films de Frank Capra. Plus tard, il propose des adaptations de comédies de boulevard, des films de cape et d'épée, des séries, enfin, qui transposent dans le goût français, et dans les limites des budgets du cinéma français, la mode des héros « james-bondiens » : c'est en 1963 qu'il dirige son premier OSS 117, d'après Jean Bruce.
Ses films pouvaient paraître liés à une époque, celle des grands cinémas de quartier, quand 400 millions de spectateurs annuels se pressaient aux guichets. Rendant compte du Bossu en 1960, le critique Jeander (Jean Derobe) concluait « de fort bonne grâce » : « Le film répond bien au but qu'il se propose : distraire, exalter, émouvoir les spectateurs épris d'émotions fortes, distinguées et parahistoriques. Il en existe encore suffisamment pour [lui] assurer une carrière plus que confortable. » En 1960, ce public était déjà en train de s'amenuiser. L'effondrement de l'exploitation classique allait alors assurer à l'œuvre d'André Hunebelle un second public, et une longévité inattendue, via la télévision.
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Écrit par
- Jean-Pierre JEANCOLAS : professeur d'histoire, historien de cinéma, président de l'Association française de recherche sur l'histoire du cinéma
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