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JACQUEMIN ANDRÉ (1904-1992)

À quatre-vingt-huit ans, le graveur André Jacquemin reclassait ses gravures (plus d'un millier) et ses illustrations ; la rédaction du catalogue raisonné de son œuvre était entreprise... Dans la gravure, il représente la grande tradition de la taille-douce d'après nature, l'expression toujours renouvelée du blanc et du noir, dont il dira lors de son discours de réception à l'Académie des beaux-arts, le 27 janvier 1982, reprenant la phrase de Paul Valéry : « Nous communions dans le blanc et le noir dont la nature ne sait rien faire. » C'est en blanc et noir qu'il a réalisé ses célèbres paysages, thème si hasardeux en gravure ; il est l'un des représentants, avec Soulas et Dunoyer de Segonzac, de l'école de paysagistes, l'une des meilleures expressions de la gravure française d'entre les deux guerres. Mais il est aussi portraitiste, animalier, graveur de nus, de scènes de genre, de types, de natures mortes et illustrateur.

La carrière d'André Jacquemin se déroule très harmonieusement. Né le 3 septembre 1904 à Épinal, il quitte sa ville en 1919 pour Paris. Élève de l'école des Beaux-Arts de 1921 à 1923, il se plie difficilement à l'esprit de celle-ci. Il opte pour un enseignement plus exigeant et plus direct, celui de la rue et de la campagne. Il dessine et grave d'après le motif. Il restera toujours fidèle à cette manière qui transparaît dans son œuvre, projetant sur sa plaque ses sensations et impressions les plus pures, avec le synthétisme et l'abstraction que la gravure nécessite ; il imprègne ses œuvres d'une sensibilité et d'une vérité surprenantes. Il évite la création différée, par l'intermédiaire d'un dessin, si desséchante pour ce moyen d'expression. Dès ses débuts, ses œuvres offrent un attrait singulier, et les chefs-d'œuvre qui jalonnent sa carrière ne sont datables que parce que datés dans le cuivre.

Parallèlement à sa carrière artistique, il exercera les fonctions de conservateur du musée d'Épinal de 1953 à 1974. De retour à Paris lors de sa retraite, il connaît la consécration : il est élu à l'Académie des beaux-arts qu'il présidera en 1989.

Espace ou paysage... Le grand art de Jacquemin, c'est de suggérer, par la pureté de la composition et des structures, ces deux aspects de la nature. L'homme est profondément présent, créateur, mais le plus souvent à peine figuré, et le lieu est réel. Étendue à perte de vue, champ de neige, champ de blé, plan d'eau... autant de thèmes qui lui sont chers. Mais il en est où il se surpasse, ce sont les paysages de neige ; ils ont une dimension surnaturelle. Il est le seul à métamorphoser le blanc du papier en neige et à en matérialiser la densité, à traduire le silence de ces espaces. Cette faculté d'alchimiste ne laisse pas de surprendre, de subjuguer. C'est une révélation du blanc et du noir. On pourrait en dire presque autant de ses variations d'atmosphère. Son bestiaire relève du même esprit. Enfin, il demeure l'un des derniers représentants d'un thème de la gravure, celui des portraits de commande, que la photographie a fait disparaître. D'autres portraits, très émouvants, rejoignent les types. Par ailleurs, son intérêt, sa disponibilité pour tout ce qui l'entoure lui inspirèrent de nombreuses scènes de genre.

Il faut évoquer également son œuvre d'illustrateur, qui comprend trente et un ouvrages d'auteurs consacrés : Barrès, Montherlant, Colette, Giono, Brillat-Savarin, Bernanos, Malraux... Jacquemin accorde toujours sa technique au style de l'écrivain ; il grave sur les lieux mêmes où se passe l'action, à la recherche du vrai, d'une communion, d'une complicité avec la terre, les personnages, les auteurs. À tout cela s'ajoute un grand nombre de dessins, de pastels, d'aquarelles, de peintures, des[...]

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Écrit par

  • : conservateur, adjointe au conservateur en chef de la réserve du cabinet des Estampes, Bibliothèque nationale, Paris

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