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ANDRÉ KERTÉSZ (exposition)

La rétrospective André Kertész, organisée du 28 septembre 2010 au 6 février 2011, au Jeu de Paume à Paris, rassemble près de trois cents « épreuves originales ou réalisées du vivant de l'artiste ». Si l'œuvre du photographe Kertész a déjà fait l'objet d'études approfondies (Of Paris and NewYork, 1985 ; Ma France, 1990 ; La Biographie d'une œuvre, 1994), l'exposition parisienne, en privilégiant les tirages les plus anciens, se présente comme un véritable retour aux origines de l'œuvre. Les commissaires, Michel Frizot et Annie-Laure Wanaverbecq, ont tenté de « reconstituer l'œuvre globale de Kertész dans son homogénéité et sa continuité » en puisant essentiellement dans les fonds des galeries et des musées américains. Cette volonté s'est néanmoins heurtée aux aléas de l'histoire. Quand les tirages d'époque n'existaient pas, des contacts bruts (4,5 cm × 6 cm), directement sortis des archives de l'Estate André Kertész, ont été encadrés comme des œuvres abouties, alors que pour le photographe ils étaient destinés à préparer un agrandissement final et à être recadrés. La partie hongroise, présentant ses contacts de jeunesse, manque ainsi de visibilité quand elle n'est pas déformée. En filigrane, et plus largement, une question se pose : qu'est-ce qui constitue l'œuvre d'un photographe ?

Tendres et mélancoliques, les images d'André Kertész (1894-1985) exaltent la fragilité des êtres. Il incarne à lui seul une certaine idée de la photographie qui tiendrait du journal intime tout en abordant des questions universelles : l'amour, la fraternité et la solitude. L'originalité de Kertész tient à ce que cette sensibilité a pu s'exprimer dans un contexte historique florissant : début du photojournalisme, surréalisme, formalisme des avant-gardes. Cette capacité à révéler ses états d'âme sans ignorer les enjeux esthétiques propre à toute image place ce photographe parmi les plus grands.

L'exposition adopte un point de vue chronologique classique. La première salle présente la période hongroise (1912-1925). On y voit la vie de soldats pendant la Première Guerre mondiale et le frère de Kertész, Jenö, bondissant sur les bords du Danube. À travers ces images s'exprime déjà tout le style de celui qui se disait « né photographe ». Pendant la période française (1925-1936), il devient ce promeneur solitaire qui déambule sur les quais de Seine, rencontre Mondrian, Chagall et Calder, et partage la vie de bohème dans des ateliers d'artistes de Montparnasse (Satiric Dancer, 1926). Le photographe de presse (Vu, Art et Médecine...) est au sommet de son art. Enfin, la période américaine (1936-1985) introduit la géométrie de l'architecture, la répétition du motif et le repli sur soi. Ces différentes périodes sont ponctuées de sections qui précisent la démarche de Kertész (les tirages cartes postales), isolent une série (Distorsions, les Polaroids), pointent un thème récurrent (Ombres et doubles, les cheminées à New York) ou mettent en valeur une approche (Solitudes) dans une scénographie toujours sobre. Les multiples cadrages d'un même négatif sont bien illustrés, notamment pour les Distorsions (1933), les portraits de son couple et la série des cheminées new-yorkaises. Une part importante est faite aux coupures de journaux qui permettent de replacer les images dans le contexte de la presse illustrée de l'époque. Le catalogue, autre source importante d'information, retrace pas à pas la vie de cet homme discret. Depuis la Hongrie natale jusqu'aux Polaroids en hommage à Élisabeth, sa femme disparue, Kertész cultiva une certaine mélancolie.

Des images emblématiques, telles que celle montrant son ami le peintre Tihanyi en train d'exhaler un filet de fumée blanche de sa bouche[...]

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Écrit par

  • : graphiste, photographe, enseignant en histoire de la photographie, diplômé de l'École nationale de la photographie (Arles)

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