LAGARRIGUE ANDRÉ (1924-1975)
Né le 12 juin 1924 à Aurillac, le physicien André Lagarrigue fait ses études dans le sud-ouest de la France jusqu'à son admission à l'École polytechnique, en 1945. Le rang qu'il obtient à la sortie le dirige vers le corps des ingénieurs de l'armement, une orientation qui lui permettra d'acquérir une solide formation de mécanicien et de se préparer à la tâche de constructeur de gros appareillages. Il s’illustrera par la conception des grands accélérateurs et des détecteurs qui leur sont associés.
Encore élève à Polytechnique, André Lagarrigue prend contact avec la physique expérimentale en proposant ses services à l'équipe de recherche animée par son professeur, Louis Leprince-Ringuet. Celui-ci, décelant son goût naissant et ses solides qualités, l'incite à demander son détachement et à s'orienter vers la recherche scientifique. Lagarrigue participe alors à des expériences destinées à déterminer, au moyen de la chambre de Wilson, à L'Argentière-la-Bessée, dans les Hautes-Alpes, la masse de la particule appelée alors méson μ, actuellement nommée muon.
En 1952, il soutient en Sorbonne une thèse de doctorat sur les propriétés expérimentales de la désintégration du muon. En cette circonstance, il impressionne son jury par ses dons pédagogiques, la clarté de son exposé et la rigueur de son argumentation. D'ailleurs, dans la suite de sa carrière, il sera souvent mis à contribution, soit dans des conférences internationales pour les mises au point sur les questions scientifiques, soit par des laboratoires aussi bien russes et américains qu'européens pour des colloques sur les développements récents de ses recherches.
Sur invitation expresse de l'université de Californie, il se rend en 1954 à Berkeley. Il y découvre, d'une part, les immenses possibilités expérimentales ouvertes par les grands accélérateurs tels que le Bevatron, d'autre part, les ressources considérables promises aux physiciens, qui pourront disposer auprès de ces accélérateurs de nouveaux détecteurs de particules. À son retour en France, il fixe la voie qu'il suivra fidèlement : travailler auprès des plus récents accélérateurs comme Saturne ou le synchrotron à protons du Cern au moyen d'un matériel de détection de pointe (chambres à bulles en l'occurrence, conçu et réalisé pour une physique donnée). Cette démarche scientifique a été principalement illustrée par sa proposition de construire la chambre Gargamelle, par la part qu'il prit à sa réalisation en tant que maître d'œuvre, puis par la campagne qu'il mena avec succès pour qu'elle soit placée, au Cern dans le meilleur faisceau neutrino de l'époque.
En étroite association avec les chercheurs dont il aimait s'entourer, Lagarrigue contribua de manière décisive à l'étude de sujets aussi variés que les modes neutres et leptoniques de désintégration des kaons (K0, K+), les règles de sélection ΔI = 1/2 ou ΔS = ΔQ, les désintégrations leptoniques des hypérons. Particulièrement attiré par l'étude des interactions faibles, il fit de la physique du neutrino son champ favori. Le sommet de son activité de recherche dans ce domaine fut sa contribution à la preuve de l'existence de courants neutres, leptoniques ou non.
La communauté européenne des physiciens de hautes énergies a reconnu la qualité de l'œuvre d'André Lagarrigue en l'appelant à siéger en 1974 au Scientific Policy Committee, organe qui définissait la politique scientifique du Cern. Respecté, exigeant, intransigeant même, il joua un rôle pilote dans l'organisation et la promotion de la recherche fondamentale en France et même en Europe. Sous-directeur, dès 1959, du centre de recherches de physique de l'École polytechnique, il accéda, en 1969, à la direction du laboratoire de l'accélérateur linéaire d'Orsay, où il[...]
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Écrit par
- Daniel MORELLET : directeur de recherche au C.N.R.S.
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