LE NÔTRE ANDRÉ (1613-1700)
Le jardin classique ne saurait être réduit aux broderies des parterres ou à la forme des bosquets, qui appartiennent au temps long de l'histoire des jardins. Prolongement géométrique d'une demeure seigneuriale libérée des contraintes défensives, il participe d'une certaine façon à la transformation de l'environnement, tire parti de la morphologie des sites, et recourt, tandis qu'elles apparaissent, aux techniques d'inventaire et de tracé mises au point par les géographes.
L'analyse des traités, l'observation des plans établis entre 1620 et 1650 et l'exploitation des comptes des bâtiments du roi montrent que les apports attribués à Le Nôtre ne lui sont pas spécifiques, et surtout qu'il n'agissait pas seul. Sa destinée illustre l'ascension d'une corporation dont son grand-père, Pierre, était maître-juré à la fin du xvie siècle. Son père, Jean, accéda aux Offices en tant que jardinier du roi aux Tuileries. Quant à André Le Nôtre lui-même, sa charge de contrôleur général des bâtiments du roi lui donnait de très larges compétences qui ne s'arrêtaient pas aux jardins.
Le Nôtre avant Le Nôtre
En dehors de la charge de contrôleur général des bâtiments du roi, Le Nôtre donnait les grands dessins et les intentions générales des tracés, pour lesquels il percevait un surcroît de rémunération. Cependant, à côté de ces fonctions d'encadrement et de conception, il continuait à exécuter certains travaux sur contrat, en tant qu'entrepreneur, toujours dans le cadre des domaines royaux. Ses revenus importants lui permettaient d'entretenir un train de maison composé de deux jardiniers, d'un cuisinier, d'une femme de chambre, d'un laquais et d'un cocher. Il collectionnait en outre les toiles de maître : Rembrandt, Bruegel, Claude Lorrain et Poussin ornaient la maison des Tuileries que son père avait habitée avant lui. Le Nôtre eut trois enfants, tous morts en bas âge ce qui explique la disparition du nom. Par contre, l'une de ses sœurs, Élisabeth, avait épousé Pierre Desgotz, jardinier des Tuileries ; leur fils Claude Desgotz, auteur entre autres du jardin de Champs-sur-Marne, sera le disciple et le continuateur du célèbre oncle.
À l'instar des recherches récentes sur l'architecture brique et pierre qui ont fait reculer d'une soixantaine d'années la datation de ce que l'on appelait communément le style Louis XIII, nous pensons que les caractéristiques typologiques du jardin classique sont totalement formalisées aux alentours des années 1620-1630, un quart de siècle donc avant les premières œuvres attestées de Le Nôtre (Saint-Mandé et Vaux-le-Vicomte). Le domaine de Courances, archétype s'il en fût et attribué comme il se doit à André Le Nôtre (né, rappelons-le, en 1613) est décrit sous sa forme actuelle dans un acte notarié de 1626, et, pour comble, ce même document testamentaire contient une reconnaissance de dette de Jean Le Nôtre au profit du seigneur du lieu.
La théorie du jardin classique est également élaborée de façon quasi définitive dans le Traité du jardinage selon les raisons de la nature et de l'art de Jacques Boyceau de La Baraudière, paru en 1636. Cet auteur, qui par ailleurs était aux Tuileries le supérieur hiérarchique de Jean Le Nôtre, traite de l'intégration dans le paysage, de l'utilisation de ses lignes de force, des avantages, quant aux effets pittoresques, des sites irréguliers ou en déclivité, de l'emploi des diagonales et de la nécessaire diversité des formes.
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Écrit par
- Thierry MARIAGE : diplômé du Centre d'études supérieures d'histoire et de conservation des monuments anciens, architecte des Bâtiments de France
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