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LEROI-GOURHAN ANDRÉ (1911-1986)

L'art préhistorique

Dans Le Geste et la Parole, André Leroi-Gourhan fait une large place à l'art préhistorique, à sa chronologie et à sa valeur sémantique, poursuivant ainsi, en la renouvelant, l'œuvre de l'abbé Breuil. Ces recherches constituent une part importante de son enseignement et il y consacre par ailleurs, depuis 1958, de nombreux articles et communications à des congrès internationaux. En 1965, paraît sa Préhistoire de l'art occidental. C'est d'abord le corpus illustré des œuvres d'art paléolithiques actuellement connues dans l'ensemble de l'Europe, étudiées du point de vue de leur évolution stylistique au cours des vingt millénaires qui séparent les premiers « griffonnages » du Chatelperronien de l'apogée de l'art figuratif magdalénien, jusqu'à son extinction à l'aube des temps post-glaciaires. C'est aussi la synthèse d'une recherche méthodologique pour l'interprétation de cet art du Paléolithique supérieur. Celle-ci renouvelle entièrement les conceptions qu'on pouvait en avoir en un temps où le comparatisme ethnographique semblait pouvoir animer les silences de la préhistoire ; la connaissance, très superficielle encore, des sociétés primitives actuelles permettait en effet d'expliquer les comportements préhistoriques en général et les mobiles des manifestations artistiques, en particulier, qui relèvent de satisfactions naïves d'un instinct esthétique, ou de pratiques magico-religieuses. La connaissance de ces sociétés contemporaines s'est depuis lors approfondie, révélant aussi bien la diversité que la complexité de leur organisation sociale et de leur pensée religieuse. Dans le même temps, nombre de documents paléolithiques, pariétaux ou mobiliers ont été découverts, qui offrent une plus ample matière à un essai d'interprétation moins aventureux. Délaissant la voie d'une reconstitution quasi impossible de la religion et des rites paléolithiques, Leroi-Gourhan s'est tourné vers l'étude statistique de la répartition topographique des figures pariétales et de leurs associations : images d'animaux et d'hommes (celles-ci très peu nombreuses) et signes abstraits. Il est ainsi apparu que ces compositions répondaient à une conception dualiste : figures et symboles féminins, d'une part (bisons et aurochs, triangles, ovales, rectangles et signes claviformes), et figures et symboles masculins, d'autre part (chevaux, bouquetins, cervidés et mammouths, points, bâtonnets et signes barbelés). Il est également apparu que ces compositions pariétales obéissaient, quelles que soient les variantes spatio-temporelles de chacun de leurs éléments, à un schéma structural constant, les deux ensembles étant associés dans les zones centrales, alors que les symboles masculins occupent seuls les périphéries ainsi que les entrées, les passages difficiles et le fond des grottes où apparaissent des thèmes complémentaires : hommes, félins, rhinocéros. On a pu critiquer cette interprétation sexuelle des figurations animales ou abstraites, bien qu'elle repose sur un inventaire statistique important dont fait également partie l'art mobilier. L'essentiel est néanmoins d'avoir mis en lumière l'organisation structurale des sanctuaires paléolithiques, de leurs « mythogrammes », en sortant, par là même, de l'impasse des interprétations magico-religieuses des débuts de ce siècle. L'intérêt de la méthode est également qu'elle est toujours perfectible et qu'elle peut aussi aider à comprendre la réalité formelle d'ensembles rupestres et pariétaux plus proches de l'histoire mais muets quand à leur signification profonde, sociologique ou mythologique.

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  • : professeur émérite à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

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