MALRAUX ANDRÉ (1901-1976)
Gaulliste, ministre, homme de l'art, mémorialiste (1939-1969)
La biographie de Malraux n'est pas sans une part d'obscurité : on lui prêtait une campagne brillante dans les chars, en 1940, au vu du récit des Noyers de l'Altenburg (1943), repris dans les Antimémoires (1967) : le sort du soldat Malraux fut plus modeste et plus commun dans la débâcle générale. De 1940 à 1944, il se retire dans le midi de la France, et se consacre à des travaux littéraires qui ne verront pas tous le jour. Il ne s'engagera dans la Résistance qu'en mars 1944, dans une organisation qui relève des services anglais... mais en quelques semaines le voici qui devient, sous le nom de colonel Berger, le fédérateur des maquis de Corrèze : arrêté par la Gestapo, libéré par les résistants, il organise et commande la brigade Alsace-Lorraine, qui se couvre de gloire militaire en 1944-1945. Cette fois, Berger-Malraux connaît enfin cette victoire que L'Espoir postulait vainement.
On ne sait précisément quand et comment s'opéra la rupture de l'auteur de L'Espoir avec les communistes : elle est déjà consommée quand il rencontre le général de Gaulle en 1945, devient son porte-parole, puis son ministre de l'Information : une sorte de pacte s'est noué entre le chef du gouvernement de la République et l'ancien révolutionnaire. Il va quitter, en même temps que lui, le gouvernement en 1946, va fonder avec lui le R.P.F. dont il sera le délégué à la propagande et le tribun le plus inspiré, va faire comme lui sa « traversée du désert ». La mutation politique de Malraux, pour prendre un signe parmi d'autres, lui fait confier à l'écrivain le plus opiniâtrement contre-révolutionnaire qu'on puisse rêver, Thierry Maulnier, l'adaptation théâtrale de La Condition humaine, que naguère Eisenstein avait voulu porter à l'écran. Quand le général de Gaulle revient au pouvoir en 1958, Malraux figure au gouvernement comme ministre délégué et porte-parole. Il ne s'impose pas tout à fait dans cette fonction, et devient, dix ans durant, le ministre des Affaires culturelles, apportant sans doute au gouvernement son verbe et son inspiration, mais n'y trouvant pas la réalité du pouvoir politique dont il rêvait. Ambassadeur itinérant du général de Gaulle auprès des grands de ce monde, il aura, lui aussi, à subir la révolte étudiante de 1968, dont il donnera d'ailleurs, à chaud, une analyse remarquable. En 1969 comme en 1946, il renonce à ses fonctions dès le départ du Général. Si la carrière politique de Malraux manifeste une remarquable fidélité depuis 1945, elle reste celle d'un brillant, d'un éclatant second, dont on mesure mal toutefois l'influence sur le chef de l'État. Les fervents du premier Malraux ne l'ont guère suivi dans cette voie, tandis que les notables et militants gaullistes ont souvent été déconcertés par le style de leur grand chaman : mais le ministre de la Culture a sans doute illustré la part la plus généreuse de la Ve République du général de Gaulle.
À la continuité du choix politique correspond, durant cette période, une certaine hésitation dans l'évolution de l'écrivain. En 1947, il publie dans la Bibliothèque de la Pléiade un volume de romans : il en écarte La Voie royale (qu'il repêchera vingt ans plus tard), Le Temps du mépris, et surtout Les Noyers de l'Altenburg (1943). Ce livre sera en 1948 « réservé à la curiosité des bibliophiles » par la volonté de son auteur, et n'a plus jamais été réédité. On est tenté de défendre ce dernier roman contre son auteur, qui l'a condamné à l'oubli pour des raisons peu claires. Ce livre, certes hâtif et imparfait, invente une forme ouverte, intégrant le colloque intellectuel, le roman politique, le récit de guerre : c'est l'histoire, sur trois générations, d'une famille alsacienne,[...]
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Écrit par
- Jacques LECARME : professeur de littérature française à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
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