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MALRAUX ANDRÉ (1901-1976)

Le renouveau de l'écrivain : l'homme précaire (1969-1976)

En 1969, quand Malraux abandonne le ministère des Affaires culturelles, qu'il avait occupé durant dix ans, et le rôle de conseiller du général de Gaulle, on peut avoir l'impression qu'un écrivain extraordinaire, le plus éclatant de l'avant-guerre, s'est effacé devant un ministre somme toute ordinaire, pourvu de peu de moyens financiers et politiques, et qui, s'il a représenté une politique avec éclat, ne l'a jamais orientée d'une manière décisive. Selon la formule perfide de Mauriac – le seul autre écrivain de grand renom à avoir rallié le gaullisme –, un ministère aura-t-il été un « os à ronger » jeté par le destin à un désir de puissance insatisfait ? De 1957 à 1969, l'écrivain Malraux s'est astreint au silence, un silence rompu seulement par la publication des Antimémoires (1967), ou plutôt de ce qui était présenté comme le premier volume d'une tétralogie posthume ; encore l'accueil de ce livre a-t-il été perturbé par la présence envahissante, sur les médias, du ministre d'État. Tenu à distance et en suspicion par la gauche, son ancien public, Malraux faisait alors figure, avec son ministère et ses Mémoires, d'un Chateaubriand qui se serait trompé de siècle. Il était loin, l'inventeur conquérant dont son ami Drieu écrivait en 1930 : « Malraux, homme nouveau, pose l'homme nouveau. »

Mais, durant les sept années qui lui restent à vivre, Malraux va se jeter à corps perdu dans l'écriture et produire une œuvre, sinon plusieurs, qui suffirait à une vie entière. On n'a jamais vu une vieillesse aussi productive, comme si « la mort qui n'est pas loin » suscitait une espèce de résurrection.

Le dialogue avec de Gaulle

De la vie politique, Malraux se retire en même temps que le général de Gaulle. Il ne s'exprimera sur ce plan qu'à deux reprises, dans des circonstances bien différentes : en 1971, renouant avec son aventure indochinoise comme avec son épopée espagnole, il se déclare prêt à combattre pour le Bangladesh, engagement rendu inutile par la guerre entre l'Inde et le Pakistan. En 1974, il intervient à la télévision d'une manière bien maladroite en faveur du candidat gaulliste aux élections présidentielles, Jacques Chaban-Delmas. Les deux interventions, dont la crédibilité n'est pas évidente, indiquent la coexistence d'un gauchiste et d'un gaulliste. En fait, c'est après son départ des affaires que le gaullisme de Malraux prend sa vraie figure – tel qu'en lui-même enfin l'écriture le change. Charles de Gaulle, dans ses Mémoires d'espoir (1970), avait déjà légué à la postérité l'effigie d'un inspirateur suprême : « À ma droite, j'ai et j'aurai toujours André Malraux. La présence à mes côtés de cet ami génial, fervent des hautes destinées, me donne l'impression que, par là, je suis couvert du terre à terre [...]. Je sais que dans le débat, quand le sujet est grave, son fulgurant jugement m'aidera à dissiper les ombres. » Après la mort du Général, Malraux publie, en guise d'hommage funèbre, Les Chênes qu'on abat... (1971), qui se présente comme le simple compte rendu d'une longue conversation avec Charles de Gaulle, à Colombey, le 11 décembre 1969 : en fait, ce dialogue, narré et transposé par un metteur en scène qui n'oublie pas son art de romancier, savamment placé dans la perspective de la mort imminente, devient le testament du gaullisme. Les voix du saint-cyrien et de l'ancien révolutionnaire, tour à tour gouailleuses et prophétiques, se confondent jusqu'à devenir indiscernables. Le gaullisme se trouve ici séparé de tous les successeurs du Général et rapproché de la France révolutionnaire du xixe siècle, selon[...]

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Écrit par

  • : professeur de littérature française à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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Médias

André Malraux - crédits : Bettmann/ Getty Images

André Malraux

André Malraux - crédits : Archiv Gerstenberg/ Ullstein Bild/ Getty Images

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