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MANDOUZE ANDRÉ (1916-2006)

« Debout, Messieurs, le drapeau de la barbarie flotte sur le temple de la culture. » Jeune assistant tout juste nommé, en 1942, à la faculté des lettres de Lyon, André Mandouze demandait, en ces termes, à ses étudiants d'observer une minute de silence pour marquer l'arrivée des nazis à Athènes. Tout au long de sa vie d'universitaire, spécialiste, mondialement reconnu, de saint Augustin et du christianisme antique, il n'allait cesser d'être ce résistant audacieux et ce chrétien rebelle.

André Mandouze est né à Bordeaux le 10 juin 1916. Il sort de l'École normale supérieure en 1937 comme agrégé de lettres. Dès le début des années 1930, il était entré en résistance contre le franquisme et l'Action française. Et déjà l'étudiant brillant s'était imposé comme le « prince des talas » de gauche, parmi les normaliens qui fréquentent l'aumônerie de la rue d'Ulm et « vont-à-la-messe ».

La vie d'André Mandouze va dès lors s'organiser en trois grandes séquences, successives et liées. La première est celle de la Résistance. Quand il arrive de Toulouse à Lyon en 1942, ce jeune professeur de latin, ancien dirigeant de la Jeunesse étudiante chrétienne (J.E.C.), est déjà repéré pour son engagement contre l'occupant. Il n'est donc pas surprenant qu'il soit reçu sans tarder, à Fourvière, par le père jésuite Pierre Chaillet, fondateur, quelques temps auparavant, des Cahiers clandestins du témoignage chrétien. Malgré la différence de leurs personnalités, les deux hommes, à la foi inflexible, s'entendent bien, et rapidement. Chaillet confie la responsabilité d'une partie des Cahiers à Mandouze. C'est là qu'il affirmera « l'impérieuse nécessité de la désobéissance » face au Service du travail obligatoire (S.T.O.). À la Libération, il écrira en une du numéro 13 du Courrier du Témoignage chrétien : « Peuple, te voilà libre », et conclura par ces mots : « Nous avons confiance : la liberté se traduira demain dans l'exercice inséparable de la Justice et de l'Amour. » La clandestinité terminée, le combat continue au grand jour. André Mandouze sera le premier rédacteur en chef de l'hebdomadaire Témoignage chrétien.

En 1946 commence la deuxième séquence de cette existence peu banale. Nommé professeur de latin à Alger, Mandouze ne tarde pas à épouser la cause de l'Algérie indépendante. Dès 1947, il dénonce le « mythe des trois départements français », puis il fonde, en 1950, la revue Conscience algérienne, revue contre la colonisation, pour une Algérie libre, démocratique et sociale. Il va plus loin encore et publie, en 1956, dans Consciences maghrébines qu'il dirige, les premiers tracts du F.L.N. Devenu l'une des bêtes noires du gouvernement de Guy Mollet, qualifié par la presse de droite de « Mandouze-fellouze », il est condamné à quitter l'Algérie en mars 1956. Quelques mois plus tard, installé à Strasbourg, le voilà arrêté puis emprisonné durant quarante jours à la Santé, à Paris, pour « soutien à la rébellion ». Qu'importe ! Aux côtés de ses amis chrétiens François Mauriac, Pierre-Henri Simon, Henri-Irénée Marrou, Louis Massignon, Mandouze dénonce avec force la torture, puis il signe, en 1961, le Manifeste des 121 en soutien au droit à l'insoumission. L'Algérie indépendante lui sera reconnaissante de cette fidélité sans faille. En 1963, Ben Bella le nomme premier directeur de l'enseignement supérieur. Le latiniste reprend son cours à la faculté des lettres d'Alger. Son retour en France en 1968 n'altérera pas l'affection sans réserve qu'il porte à la patrie d'Augustin et d'Abd el-Kader. Il la manifestera jusqu'à ses derniers jours.

La troisième séquence s'ouvre par la thèse monumentale que soutient[...]

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Écrit par

  • : journaliste-écrivain, président du Centre national de la presse catholique

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