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MASSON ANDRÉ (1896-1987)

D' André Masson , on connaît d'abord les liens avec le surréalisme, son amitié avec Georges Bataille ou encore l'influence qu'il exerça dans l'évolution de l'expressionnisme abstrait américain ? Sait-on qu'il fut, outre un prodigieux illustrateur de livres (et notamment ceux de Bataille), un graveur des plus inventifs, un sculpteur à ses heures, un homme de théâtre passionné par la Tétralogie comme par l'Opéra de Pékin ? Sait-on que ce lecteur insatiable en remontrait à plus d'un érudit, que ce philosophe malgré lui recevait en visite Heidegger comme Jacques Lacan ? Sait-on que « l'homme-plume », le dessinateur célébré par Georges Limbour dans la Préface du catalogue de la première exposition personnelle en 1924, devait se révéler à partir des années 1930 (comme le prouvent les textes publiés, mais aussi des poèmes inédits et sa correspondance, ainsi que d'innombrables notes jetées sur des cahiers d'écolier) un écrivain à part entière ?

Le théâtre des matières

Né dans un village industriel de l'Oise en 1896, la même année qu'André Breton, Masson commence son apprentissage artistique en 1907 à l'Académie royale des beaux-arts et arts décoratifs de Bruxelles avec pour maître un « phare » du symbolisme belge : Constant Montald.

En 1912, il poursuit cette formation a priori vouée à la grande décoration, dans les ateliers de Raphaël Collin et de Paul Baudouin à l'École nationale des beaux-arts à Paris. Puis c'est la guerre : les tranchées, les morts-vivants, la blessure, la révolte antimilitariste, les hôpitaux psychiatriques – Masson a raconté tout cela dans La Mémoire du monde (1974). Engagé à l'automne de 1922 dans 1'équipe de jeunes peintres que rassemble Kahnweiler dans la galerie Simon ouverte en 1920, il en sera la figure de proue. Le symbolisme mystique de l'année 1922 va céder la place à un érotisme sans entrave, qui s'exprime d'abord dans les dessins à l'encre dits « automatiques ». La formation symboliste prépare Masson aux fêtes et aux tourments de l'inconscient, du rêve et des métamorphoses.

Quand il entre dans le groupe surréaliste en 1924 (dont il s'éloignera de 1929 à 1937, puis définitivement à partir de 1943), il y est parfaitement à 1'aise. Mais c'est un trait de sa personnalité que de ne jamais se figer dans une catégorie ou un groupe : il a – il aura toujours – de très nombreux amis écrivains ou peintres extérieurs au mouvement.

De 1924 à 1927, la première phase surréaliste de Masson serait inconcevable sans une intériorisation intense des principes de jeu, de hasard et de subversion mis au premier plan par les surréalistes. Les « tableaux de sable » conçus dans l'hiver de 1926-1927 préludent à un corps à corps de plus en plus maîtrisé et jubilatoire du peintre avec le matériau non pictural. À diverses époques, Masson reprendra l'usage du sable jeté et collé sur la toile – 1937-1939, 1942-1944, 1955-1960 –, et 1'on constate, dans la dernière période, une amplitude du geste, un goût de la surprise, qui ne sont pas sans rappeler l'attitude de Pollock au moment du dripping. Juste retour des choses, car il est indéniable que Pollock, de 1938 à 1945, a trouvé dans l'œuvre de Masson des propositions iconographiques, techniques et stylistiques qu'il a faites siennes.

La fin des années 1920 et le début des années 1930 constituent un épisode à part dans la vie de Masson : séparation en 1929 d'avec sa femme Odette Cabalé (dont il a une fille Gladys, dite Lily, née en 1920 à Paris), puis divorce en 1930 ; séjour à Grasse en 1931-1932 avec sa compagne Paule Vézelay, une femme peintre anglaise de talent ; rupture avec Kahnweiler en 1930 pour un contrat avec Paul Rosenberg. Ces années de crise sont aussi marquées par deux grandes[...]

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