ORLÉAN ANDRÉ (1950- )
L’économiste théoricien français André Orléan est un défenseur de l’unité des sciences sociales, reconnu pour ses travaux sur le mimétisme, la monnaie et les conventions financières.
De l’École polytechnique à La Violence de la monnaie
André Orléan est né à Paris le 23 mai 1950. Passionné dès son plus jeune âge par l’« élégance » des mathématiques et par le cinéma, il intègre l’École polytechnique en 1971. Après une formation de deux ans à l’École nationale de la statistique et de l'administration économique (ENSAE), il poursuit en 1976 dans le corps de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Au Service des programmes (1976-1979), où il rejoint Christian Sautter, Jean-Michel Charpin, Pierre-Alain Muet et Michel Aglietta, André Orléan a la charge des prévisions du commerce extérieur et de la compétitivité des grandes entreprises nationales.
Sa rencontre avec Michel Aglietta en 1975 est décisive pour la suite de sa carrière. Il crée avec lui un séminaire consacré à l’étude de « Quatre économies dominantes » (France, Allemagne, États-Unis, Japon de 1976 à 1980) qui prolonge le séminaire « Régulation et crise du capitalisme ». C’est l’occasion pour lui d’explorer la théorie de la régulation et de l’appliquer à la compréhension de l’économie allemande. En mars 1980, André Orléan soutient sa thèse de doctorat « L'histoire monétaire de l'Allemagne entre 1848 et 1923 : un essai d'analyse théorique » à la Sorbonne. Ce travail contient les notions fondatrices de sa pensée, dont l’idée de centralisation-fractionnement, à savoir cette capacité des sociétés à se constituer en tout unifié puis à se disloquer avant de se reconstituer en tout. La monnaie est emblématique de cette dynamique du fait de sa capacité à faire unanimité au sein d’un groupe social, avant que ne survienne une crise (l’hyperinflation, par exemple), où chaque acteur privé de référent commun scrute l’autre dans l’espoir d’y trouver un nouvel assentiment généralisé. André Orléan qualifie ce jeu spéculaire de crise d’autoréférentialité.
De cette thèse et des échanges intellectuels nourris avec Michel Aglietta naît La Violence de la monnaie, qui paraît en 1982. Dans la tradition de Marcel Mauss, François Simiand ou Georg Simmel, cet ouvrage majeur, traduit en de nombreuses langues, définit la monnaie comme une institution sociale fondamentale. Dans le monde marchand, elle est le lien institutionnel primordial qui met en relation les individus les uns avec les autres en donnant une valeur aux marchandises et en autorisant l’échange. Théoriser ainsi la monnaie, à rebours des théories économiques monétaires traditionnelles, revient donc à comprendre comment se construit l’adhésion collective dont découlent les fonctions économiques de la monnaie (unité de compte, moyen de transaction, moyen de réserve). Ambivalente, la monnaie est le ciment de la société mais aussi une source individuelle de frustration et de violence liée au désir de richesse. L’approche de la genèse mimétique proposée par l’anthropologue René Girard permet à André Orléan et Michel Aglietta de consolider leur théorie. Les deux auteurs poursuivront leur collaboration en écrivant un second opus, La Monnaie entre violence et confiance (2002), et en animant à partir de 1993 un séminaire pluridisciplinaire autour de la monnaie accueillant des historiens, des anthropologues et des psychanalystes.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Yamina TADJEDDINE : professeure de sciences économiques, université de Lorraine
Classification
Média
Autres références
-
LA MONNAIE ENTRE VIOLENCE ET CONFIANCE (M. Aglietta et A. Orléan) - Fiche de lecture
- Écrit par Jézabel COUPPEY
- 1 035 mots
Au cours des xviiie et xixe siècles s'impose une conception de la monnaie réduite à celle d'un simple instrument d'échange. L'idée que la monnaie est neutre et sans aucune incidence sur les données réelles de l'économie (production, emploi, etc.) sera dès lors peu contestée. Des...
-
POUR UNE APPROCHE COGNITIVE DES CONVENTIONS ÉCONOMIQUES, André Orléan - Fiche de lecture
- Écrit par Annie SORIOT
- 1 242 mots
Les années 1970 sont marquées par le regain de vitalité d'une « nouvelle macroéconomie classique » fondée, d'une part, sur le principe de rationalité étendu aux anticipations et, d'autre part, sur la revendication d'une coordination par le marché. Face à ce modèle dominant,...
-
AGLIETTA MICHEL (1938- )
- Écrit par Yamina TADJEDDINE
- 1 088 mots
- 1 média
Penseur du capitalisme et de la monnaie, le Français Michel Aglietta est un chercheur, un pédagogue et un expert reconnu des économistes, des historiens et des anthropologues, mais aussi des politiciens et des syndicalistes de toute tendance.
Né dans une famille modeste d’immigrés italiens en 1938...