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ORLÉAN ANDRÉ (1950- )

Pour une vision multidisciplinaire des phénomènes économiques

Au début des années 1980, André Orléan rejoint l’unité de recherche de l’INSEE dirigée par Robert Salais. Cet institut regroupe à cette époque les figures de la future « école des conventions » : Alain Desrosières, François Eymard-Duvernay, Bénédicte Reynaud et Laurent Thévenot. Le terme de convention traduit la diversité des formes de coordination entre les individus, que ce soit la règle, l’opinion majoritaire, la norme ou le marché walrassien. Avec la théorie de la régulation, cette école d’inspiration keynésienne sera l’affiliation théorique majeure d’André Orléan. En tant que directeur de l’ouvrage de référence Analyse économique des conventions (1994), il participe à fonder théoriquement le concept de convention à partir de la théorie mathématique, en mobilisant les dynamiques de contagion ou les jeux évolutionnistes. Dans la lignée de l’approche de John Maynard Keynes (chapitre 12 de la Théorie généralede l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie), il analyse la dynamique monétaire et surtout financière comme le résultat d’une polarisation mimétique sur une convention tantôt haussière, tantôt baissière. La succession de crises financières à partir de 1987 lui donne l’occasion de vérifier empiriquement la pertinence de son interprétation et de démontrer l’ineptie du dogme de l’efficience informationnelle. Sa lecture conventionnaliste de la finance sera exposée dans son ouvrage Le Pouvoir de la finance (1999).

En 1987, André Orléan, devenu directeur de recherche au CNRS, rejoint le Centre de recherche en épistémologie appliquée (CREA) de l’École polytechnique, dirigé par le philosophe Jean-Pierre Dupuy. Cet espace unique réunit alors des psychanalystes, des psychologues, des sociologues, des anthropologues, des historiens, des philosophes, des linguistes, des cogniticiens et des économistes pour appréhender les systèmes complexes. André Orléan y trouve une harmonie scientifique en adéquation avec son aspiration pour l’unité des sciences sociales. S’il quitte le CREA en 1999 pour rejoindre une équipe composée exclusivement d’économistes (le Centre pour la recherche économique et ses applications absorbé par la suite par l’École d’économie de Paris), cette interdisciplinarité guide sa vie scientifique et ses engagements. Conscient de la nécessité de transmettre aux futurs économistes cette vision pluraliste de l’économie, il œuvre en 1991 avec Olivier Favereau et Robert Boyer à la création du DEA en Économie des institutions affilié à l’université de Nanterre, l’École polytechnique et l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS).

Devenu directeur d’études à l’EHESS en 2005, il y anime le séminaire « Croyances et représentations collectives en économie ». Cet engagement intellectuel prend une tournure plus politique quand il est élu en décembre 2009 premier président de l’Association française d’économie politique (AFEP). Il y défend la nécessité d’une vision pluraliste des sciences économiques, du lycée à l’agrégation du supérieur, et lutte contre l’hégémonie d’une économie normative et dogmatique, dissociée des sciences sociales. Son ouvrage L’Empire de la valeur. Refonder l’économie (2011) est une critique du paradigme dominant des sciences économiques qui ignore l’influence des institutions sociales, dont la monnaie, sur les grandeurs qu’elle prétend étudier, particulièrement la valeur. Sa démonstration mêle une lecture érudite des économistes majeurs et une analyse plus sociologique des événements financiers contemporains.

— Yamina TADJEDDINE

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André Orléan - crédits : Emmanuel Robert-Espalieu/ Opale/ Leemage

André Orléan

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