PIEYRE DE MANDIARGUES ANDRÉ (1909-1991)
Né à Paris, André Pieyre de Mandiargues a commencé d'écrire vers 1933, mais son premier ouvrage date de 1943. C'est dire que son entrée « officielle » en littérature est assez tardive. Pourtant, cette jeunesse sans écriture apparaît moins comme un vide que comme une attente préparant à la littérature. Ainsi, durant son enfance, des séjours dans le pays de Caux et de la découverte d'un paysage essentiel : la mer et le rythme de ses marées, le fourmillement des crustacés et des mollusques dont l'apparence hybride aidera Pieyre de Mandiargues à révéler la réalité foncièrement équivoque qui est la sienne. En opposition à cette terre natale, il y aura plus tard le voyage, et la mobilité des images. Pieyre de Mandiargues découvre l'Allemagne, la Pologne, l'Autriche, la Hongrie et surtout l'Italie qui, avec le Mexique, va devenir pour lui un second site capital. Bona Tibertelli, nièce du peintre ferrarais Filippo de Pisis, deviendra plus tard son épouse.
En parallèle, interviennent évidemment la lecture et la découverte de toute une généalogie occulte : Maurice Scève, Agrippa d'Aubigné, Lautréamont, Mallarmé, Coleridge, les romantiques allemands. Ensuite viendront les contemporains : Breton, Aragon et Eluard, messagers de la violente magie du premier surréalisme. Évoquant ses premiers travaux dans Le Désordre de la mémoire (1975), Pieyre de Mandiargues explique qu'il s'agissait de prolonger l'émerveillement dans lequel l'avait plongé tel ou tel auteur, quitte à découvrir ensuite des voies d'accès au langage plus personnelles. Ce qui prime chez Pieyre de Mandiargues ce n'est pas tant le désir de communication que la recréation d'un état de grâce. Son activité est une expérimentation qui requiert le secret, elle évoque aussi bien le sommeil que son appel au rêve, ou à la rêverie, plus proche du vertige recherché. Première publication de Pieyre de Mandiargues, Dans les années sordides (1943) est une suite d'hallucinations contrôlées que le langage seconde sans contraindre leur mouvement. Peu après, un long poème est écrit, Hedera (1945), où se trouve portée à un point d'intensité rare l'alliance entre le symbolisme et l'érotique. Dès lors, Pieyre de Mandiargues publie régulièrement (Le Musée noir, 1946 ; Soleil des loups, 1951 ; Marbre, 1953 ; L'Âge de craie, 1961), participe, toujours un peu en marge, au mouvement surréaliste. Il ne mésestime aucun genre littéraire. Si la nouvelle et le poème (en vers ou en prose) gardent sa prédilection, il écrit aussi des romans ainsi que de nombreux essais, traitant aussi bien de littérature et de peinture que de « choses vues » et en partie rassemblés dans les trois Belvédère (1958, 1962, 1971).
La rêverie est donc l'axe essentiel de l'écriture de Pieyre de Mandiargues. C'est elle qui permet les paysages arrêtés de Dans les années sordides, ou certains poèmes de L'Âge de craie, aux allures de tableau vivant. Le charme de la rêverie est qu'elle élabore un lieu préservé où s'enferme celui qui en est à la fois le créateur et le spectateur (une clôture qui trouve sa forme la plus directe dans L'Anglais décrit dans un château fermé, 1979 ; réédition d'un récit d'abord publié en 1953 sous le pseudonyme de Pierre Morion). C'est ainsi que, suivant le caprice des formes et des tons, l'écriture suggère une nature seconde, niant le cloisonnement des genres et des espèces. Et s'il existe dans l'écriture une propriété alchimique, c'est d'abord par cette possibilité toute baroque d'accointer les mots les uns aux autres. D'ailleurs, il est peu d'écrivains qui soient plus sensibles à leur symbolique que Pieyre de Mandiargues et peu d'écritures qui soient aussi picturales que la sienne. Sans doute est-il plus[...]
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Écrit par
- Gilles QUINSAT : écrivain
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