ROLLAND DE RENÉVILLE ANDRÉ (1903-1962)
D'origine aristocratique, André Rolland de Renéville naît à Tours en 1903. Sa mère – qui tient salon et reçoit, autour d'Anatole France, nombre d'artistes et de musiciens – est férue d'occultisme et de spiritisme. Faut-il dès lors s'étonner de ce que l'œuvre de l'auteur de Sciences maudites et Poètes maudits soit à ce point marquée par une constante interrogation des liens qui unissent la poésie à la mystique ?
Son parcours littéraire débute très jeune, puisque c'est à vingt ans qu'il publie, à compte d'auteur, sa première plaquette poétique : De l'adieu à l'oubli (1923). Deux ans plus tard, alors qu'il entreprend des études de droit, il fait paraître un autre recueil, Pour elle (1925), suivi des Ténèbres peintes (1926), préfacé par Philippe Soupault. Ces trois ouvrages portent en germe la thématique que Rolland de Renéville va élaborer dès l'année suivante en écrivant son Rimbaud le voyant, interprétation qui, après sa parution en 1929, suscitera éloges et réactions violemment hostiles. Renéville a trouvé sa voie : celle de l'essayiste au détriment de la poésie à laquelle il ne reviendra que vingt ans plus tard avec La Nuit, l'esprit (1948).
Entre-temps, une rencontre capitale a eu lieu : celle, en 1927, de René Daumal et de Roger Gilbert-Lecomte avec lesquels il forme dès l'année suivante la « tête pensante » du Grand Jeu, dont le premier numéro paraît en juin 1928. Si sa première contribution est encore modeste (un poème et une lettre à Saint-Pol-Roux), elle va devenir essentielle dès le deuxième numéro (1929) dans lequel il publie « L'Élaboration d'une méthode », analyse de la Lettre du voyant de Rimbaud. Dès les premières lignes de cette étude, on le sent en totale osmose avec les conceptions poétiques exprimées par Daumal et Gilbert-Lecomte. Pour Renéville, « la conception individualiste du Moi est à la base de l'échec poétique éprouvé depuis deux mille ans par le Monde occidental ». C'est ce que Rimbaud, « fils de l'Orient par l'esprit », aurait parfaitement compris. Dès lors, il faudrait voir dans le silence rimbaldien le désir de retrouver les racines de cette conception moniste du monde. « S'exprimer suppose une dualité puisque c'est communiquer, établir des rapports. Dans le cas d'une union complète et définitive avec tout ce qui existe, l'expression cesse même d'être concevable », écrit Renéville qui, dans Rimbaud le voyant, affine encore un peu plus son interprétation du silence rimbaldien.
Dès cette époque, Renéville ne cesse d'affiner sa théorie des liens unissant poésie et mystique. Pour lui, il est clair que l'unique différence entre le poète et le mystique réside dans le fait que si le premier s'achemine à la Parole, le second tend au Silence. Mais, si Rimbaud représente un cas limite, combien de poètes n'ont-ils pas conscience de l'idéal que serait le silence ? Le troisième et dernier numéro du Grand Jeu donne à Renéville l'occasion d'approfondir sa réflexion. Dans « La Parole », repris par la suite dans ce qui constitue sans doute son maître-livre, L'Expérience poétique (1938), Renéville montre combien « les rythmes informulés de l'inconscient restent plus purs que les paroles qu'ils suscitent » et affirme que « les mots qui affleurent à la surface de l'esprit perdent une partie de leur rayonnement lorsque le poète les prononce », parce que, Idée devenue matière, le mot est en somme une perversion de l'Idée. Parmi les contemporains de Renéville, Michaux, Blanchot ou encore Paulhan sont ici proches de lui.
Après L'Expérience poétique, si Renéville continue à collaborer à de très nombreuses revues, devenant l'un des piliers de La Nouvelle Revue française[...]
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Écrit par
- Patrick KRÉMER : écrivain
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GRAND JEU LE
- Écrit par Patrick KRÉMER
- 1 936 mots
...Grand Jeu, titre trouvé par Vailland. De nouveaux visages apparaissent : Marianne Lams, Hendrick Cramer et Vera Milanova, future épouse de Daumal. À la fin de l'année arrive celui qui fera partie, avec Daumal et Gilbert-Lecomte, de la trilogie pensante du Grand Jeu : André Rolland de Renéville...