Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ROUSSIN ANDRÉ (1911-1987)

Par son appartenance à une famille de magistrats et d'industriels marseillais, André Roussin, lorsqu'il naquit le 22 janvier 1911, n'avait aucune attache avec le monde changeant du théâtre. Pourtant, ses études (une licence de lettres) rapidement abandonnées, il fonda avec André Ducreux la compagnie du Rideau gris qu'il devait diriger pendant plus de douze ans, interprétant les principaux rôles de plus de cinquante spectacles.

André Roussin sera donc d'abord acteur, comme Molière, comme Guitry. L'homme est ainsi formé par la fréquentation assidue des planches. Il en connaît les secrets et les ficelles. Son écriture naît des coulisses. On y sent l'âme du comédien, et je ne sais quelle alacrité qui se communique au public. Cette liberté s'impose dès Am-stram-gram (1943). Roussin, d'instinct, a du métier. Il apprendra en jouant tout ce qu'il sait déjà. Car son génie n'est pas de facilité, comme tant d'autres, mais de légèreté. Il y entre une gaieté vive et naturelle, méridionale dans son humeur, et qui lui donnera des ailes. De Suzanne Flon (La Petite Hutte, 1947) à Pierre Fresnay (Les Œufs de l'autruche, 1948), d'Elvire Popesco (La Mamma, 1957) à François Périer (Bobosse, 1950), il ne cessera de fournir à l'acteur ses armes les plus fines, avec ce don de l'attaque et de la parade par quoi son dialogue étincelle. Avant d'être élu à l'Académie française en 1973, il était « du bâtiment ». Et cent comédiens ont vécu heureux dans les maisons de papier qu'il a bâties. D'Une grande fille toute simple (1944) à La petite chatte est morte (1987), André Roussin n'a jamais cessé de divertir sans abêtir. La nature ne l'avait point fait cruel. Il ne voyait pas noir, il voyait vrai. D'où, dans ses œuvres, une insolence, une distance, une ironie où transparaissent parfois un soupçon d'amertume. Là où certains feraient un drame, Roussin se contente d'observer les mouvements apparents du cœur et de s'en amuser. Ici le rôle se fait caractère, et Le Mari, la femme ou la mort (1954), L'Amour fou ou la première surprise (1955), sous l'apparente allégresse et la vivacité du mot, annoncent une mélancolie qui est déjà celle du moraliste. Les pirouettes et les outrances du vaudeville sont source de malentendus. Le théâtre d'André Roussin est fait d'amours dévastées et de souriantes détresses. D'incompréhensions douloureuses que seule la bouffonnerie escamote. D'où, à l'instant le moins attendu, des cris de souffrance imprévisibles qui viennent se perdre dans le rire. Cet auteur boulevardier, et il l'est en effet, était l'homme le plus dénué de préjugés que l'on puisse rencontrer sur une scène. Moins bourgeois qu'on ne l'imagine, il y avait chez lui un romantique caché et un révolté inconnu, dissimulés par son horreur des excès et des cris. Une certaine facilité de caractère, un sens aigu de l'humaine comédie ont fait le reste. L'œil de Roussin reste à jamais ouvert sur nos folies. André Roussin a longuement évoqué sa carrière d'auteur dramatique dans La Boîte à couleurs (1974), Le Rideau rouge (1982), Rideau gris et habit vert (1983).

— Pierre MARCABRU

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Autres références

  • BOULEVARD THÉÂTRE DE

    • Écrit par
    • 5 988 mots
    Le Boulevard contemporain s'y consacre encore très largement : Roussin a obtenu son plus grand succès en installant sur scène, dans La Petite Hutte, un ménage à trois. Plus récemment, Barillet et Grédy ont en quelque sorte surenchéri, puisque, dans Fleur de cactus, ils nous ont prouvé que l'adultère...