TÉCHINÉ ANDRÉ (1943- )

André Téchiné est né en 1943 à Valence-d’Agen (Tarn-et-Garonne). Une dizaine d'années après la nouvelle vague, il fait ses débuts de cinéaste. Il a écrit dans les Cahiers du cinéma de 1964 à 1967, et ses premiers films sont nourris d'une réflexion théorique qui les place sous l'influence des maîtres de l'avant-garde (Cocteau et Godard dans Paulina s'en va, 1969) et de Brecht. De la fuite somnambulique, proche de la folie, de Paulina s'en va, à la saga familiale de Souvenirs d'en France (1974), traversant l'histoire politique et sociale du siècle, et jusqu'à Barocco (1976), polar onirique, André Téchiné se livre à une rêverie sur les genres cinématographiques marquée par une fascination pour l'exercice de la mise en scène, qui lui permet de toucher à la vérité de la vie tout en jouant la carte de la distanciation et de la stylisation. L'attraction qu'exercent sur lui les constructions plastiques et narratives va bientôt rencontrer la magie du cinéma, telle qu'elle s'incarne chez les acteurs, et surtout les actrices. Le projet artistique de Téchiné consistera dès lors à concilier cinéma de la perfection (l'art de la forme) et cinéma du plaisir (l'art de raviver le rêve et la croyance), à dialoguer avec son spectateur et à faire dialoguer, chez celui-ci, l'innocence et le jugement, l'enfant et l'adulte.

Dès Souvenirs d'en France, tourné dans son village natal, c'est au romanesque que s'affronte André Téchiné à travers les destins croisés de ses personnages, figure nodale chez lui, tant au niveau scénaristique qu'esthétique. Le goût du romanesque est ici inséparable d'un désir de rupture : à la volonté de Téchiné d'en finir avec le naturalisme, répond dans la fiction le besoin d'échapper à l'héritage du roman familial. Quitter la famille est l'acte de naissance de la plupart de ses personnages, confrontés sans plus de remparts ni de repères à l'inconnu et à leurs sentiments, précipités dans l'exaltante et dangereuse aventure de leur émancipation. La soif d'absolu, voire de révolte, les guide, qu'ils soient jeunes, pleins d'ambitions ou d'illusions (Rendez-vous, 1985 ; J'embrasse pas, 1991 ; Loin, 2001 ; Les Égarés, 2003), ou qu'ils remettent tout en cause, comme ces femmes qui, au prix de leur bonheur, de leur raison, de leur liberté ou de leur vie, vont jusqu'au bout d'impossibles histoires d'amour. Catherine Deneuve, dans Hôtel des Amériques (1981), Le Lieu du crime (1986), Ma Saison préférée(1993), Les Voleurs (1996) ou encore Les Temps qui changent (2004), a été l'interprète d'élection de ces héroïnes, magnifiées et surtout révélées à elles-mêmes par leur propre mise en péril. Il faut citer également la jeune mère des Égarés, qui, pendant l'exode de l'été 1940, redécouvre une certaine forme de risque et d'engagement en s'éprenant d'un adolescent dont ses enfants ont fait un ami. Si le roman d'apprentissage offre un cadre idéal à l'inspiration de Téchiné, c'est parce qu'il puise son énergie dans l'art du portrait d'êtres en devenir, qui appellent une sensibilité exacerbée du regard. Les rôles que voudraient imposer la famille, les codes sociaux ou sexuels, demeurent ainsi continuellement pris dans un mouvement qui peut être celui de la chute ou de l'élévation, mais constitue toujours une épreuve de vérité salutaire.

À tous les tumultes, l'univers de Téchiné offre une chambre d'échos dont le scénario élabore l'architecture complexe, et dont la mise en scène dessine les ombres portées. Le retentissement est ainsi devenu la matière vive des films du cinéaste : culminant dans la peinture des sentiments, ces ondes de choc qui façonnent les personnages sont aussi[...]