TURCAT ANDRÉ (1921-2016)
Une des figures marquantes de l’aéronautique moderne, le Français André Turcat est surtout connu du grand public pour avoir été le premier pilote d’essai du Concorde, l’avion commercial supersonique franco-britannique.
À la conquête de records aéronautiques
Né à Marseille le 23 octobre 1921, André Édouard Turcat est diplômé de l’École polytechnique en 1942. Il opte pour l’armée de l’air et devient officier. Après avoir obtenu son brevet de pilote en 1947, il participe au conflit en Indochine en tant que pilote de transport. En 1950, il intègre le Centre d’essais en vol (CEV) de Brétigny-sur-Orge (Essonne) et obtient sa licence de pilote d’essai l’année suivante. De 1952 à 1953, il occupe les fonctions de directeur de l’École du personnel navigant d’essai et de réception (EPNER), dépendant du CEV, qui forme les navigants d’essai français mais aussi étrangers. Après avoir quitté l’EPNER, il devient, à partir de 1954, chef-pilote d’essai à la Société française d’étude et de construction de matériels aéronautiques spéciaux (SFECMAS), puis à Nord-Aviation, qui finira par absorber la SFECMAS en 1955.
La SFECMAS est alors spécialisée dans l’étude de la formule de l’aile delta (forme triangulaire, celle entre autres du futur Concorde) favorable au vol à grande vitesse, avec comme objectif la mise au point d’un avion de chasse à hautes performances. Elle est aussi engagée dans un nouveau mode de propulsion de moteur à réaction combinant un turboréacteur et un statoréacteur (le « turbo-stato »).
Pour fonctionner avec un bon rendement, un turboréacteur doit d’abord comprimer l’air qu’il absorbe, grâce à un compresseur situé en amont du moteur, avant que du carburant y soit injecté et enflammé. Le compresseur est entraîné par une turbine située à l’arrière du moteur. La formule est cependant limitée à une vitesse aux alentours de Mach 2, soit deux fois la vitesse du son. Pour aller au-delà, on peut opter pour le statoréacteur auquel le nom du Français René Leduc reste attaché. Dans un statoréacteur, c’est la vitesse d’avancement de l’avion qui provoque la compression de l’air. Encore faut-il assurer la phase initiale d’accélération. Pour cela, René Leduc avait conçu un appareil qu’un avion porteur emportait en altitude, puis qu’il libérait lorsque la vitesse suffisante était atteinte. La solution turbo-stato, elle, consiste à équiper l’avion à la fois d’un turboréacteur et d’un statoréacteur. On peut ainsi placer un statoréacteur au bout de chaque aile et un turboréacteur intégré au fuselage de l’appareil. Les bureaux d’études de constructeurs aéronautiques de l’époque, dont celui de Nord-Aviation, travaillent sur une autre formule consistant à intégrer un turboréacteur au sein même d’un statoréacteur.
André Turcat arrive à Nord-Aviation au moment où l’avion expérimental le Gerfaut, propulsé par un turboréacteur (dans l’attente d’un statoréacteur), est prêt à voler. C’est lui qui va effectuer ce premier vol. Il sera aussi le premier Français à franchir le mur du son en vol horizontal (sans avoir besoin de piquer) le 3 août 1954. Doté d’un turboréacteur plus puissant, le Gerfaut II va battre en 1957 des records du monde de vitesse ascensionnelle avec André Turcat aux commandes, en atteignant par exemple 15 000 mètres d’altitude en 3 minutes et 56 secondes. Le Griffon, successeur du Gerfaut et doté d’un turbo-stato, accumule lui aussi les records avec André Turcat, dont celui de vitesse sur 100 kilomètres en circuit fermé, qu’il pulvérise en février 1959 avec 1 643 kilomètres/heure. André Turcat tiendra beaucoup à cette performance car elle marque le retour de la France parmi les grands pays de l’aviation. Toujours à bord du Griffon, il atteint Mach 2,19 à 15 000 mètres d’altitude, en octobre 1959, alors la plus grande vitesse atteinte en Europe.[...]
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Écrit par
- Germain CHAMBOST : journaliste
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Média